Communiqué de presse, 28 juin 2019
Les parlementaires à l’Assemblée Nationale ont acté un dangereux report de l’échéance de réduction de la part du nucléaire dans la Loi Énergie Climat. De plus, ils ont refusé les garde-fous les plus élémentaires en matière de protection des populations et de budgets.
Alors qu’énormément de retard a déjà été pris pour réduire la part du nucléaire et que la fin de vie des réacteurs se rapproche, la majorité des parlementaires suivent le gouvernement d’Emmanuel Macron en acceptant de repousser de 10 ans l’échéance de réduction de la part du nucléaire, initialement prévue pour 2025. Les amendements refusant ce report de 10 ans ont été rejetés, tout comme les propositions de fermer les réacteurs à 40 ans. Cette décision signifie de facto une dangereuse prolongation du fonctionnement de la quasi-totalité du parc nucléaire à 50, voire 60 ans de fonctionnement. Si cette trajectoire était mise en œuvre, l’âge moyen du parc en 2035 serait de 49 ans, alors même que certains équipements cruciaux et non-remplaçables ont été conçus pour 40 ans maximum.
De plus, les amendements sur l’abandon de projets de nouvelles installations nucléaires ont été rejetés. Celles portant sur la sûreté nucléaire et les risques liés à cette prolongation ont été déclarés irrecevables en Commission des Affaires Économiques, au motif qu’ils ne présenteraient pas de « lien direct ou indirect » avec la loi ! La majorité a également rejeté un amendement proposant que la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie prévoie des scénarios alternatifs pour tenir compte de l’arrêt d’un ou plusieurs réacteurs pour raisons de sûreté. Alors que l’Autorité de sûreté nucléaire rappelle que « personne ne peut présager des conclusions du réexamen de sûreté » prévu pour l’échéance des 4èmes visites décennales, ce refus est une pression sur l’Autorité de sûreté nucléaire.
Le nucléaire ne sauvera pas le climat
Invoquer l’argument climatique pour justifier ce report est de mauvaise foi. D’autres scénarios sont possibles et l’énergie nucléaire faire face à de nombreux problèmes. Cette énergie est très chère. Elle coûte environ 5 fois plus que l’énergie éolienne terrestre par kWh (entre 2,3 et 7,4 fois en fonction de l’emplacement et des problèmes d’intégration). En outre, l’énergie nucléaire est beaucoup plus longue à mettre en œuvre que des politiques d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables. Les délais de planification à la mise en service des centrales nucléaires prennent entre 10 à 19 ans ou plus. Par exemple, le réacteur Olkiluoto 3 en Finlande était prévue pour fin 2000. Sa dernière date d’achèvement estimée est 2020, ce qui lui donne une durée de prise de force de 20 ans. Il ne faut pas oublier aussi que la croissance de l’énergie nucléaire a historiquement accru la capacité des pays à obtenir du plutonium ou enrichir de l’uranium pour fabriquer des armes nucléaires. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) reconnaît ce fait. Dans leur rapport sur l’énergie de 2014, les experts concluent que le problème de la prolifération des armes nucléaires est une barrière et un risque pour le développement croissant de l’énergie nucléaire. Enfin, l’énergie est risquée et fait face à des déchets ingérables. De leur côté, les énergies renouvelables évitent tous ces risques.
EDF accumule les difficultés
Le gouvernement d’Emmanuel Macron et la majorité des parlementaires ferment les yeux sur les nombreux signaux d’alerte: EDF s’avère incapable de maîtriser techniquement et financièrement le chantier de l’EPR de Flamanville supposé préfigurer le parc nucléaire des années 2030. L’ASN se voit contrainte d’accorder des dérogations injustifiables à EDF pour lui permettre la poursuite de sa construction, dont la mise en service recule d’année en année. Le devis du « grand carénage » indispensable à la mise aux normes de sûreté du parc français actuel dépasse déjà le coût d’investissement initial de ce parc, sans qu’EDF puisse assurer pour autant une prolongation significative de production d’électricité sans risque. L’État s’est vu dans l’obligation d’aligner 5 milliards d’euros pour éviter la faillite d’Areva, englué dans les aventures minières, le surcoût de l’EPR en Finlande et les suites des falsifications effectuées dans son usine Creusot Forge.
Ce n’est pas au aux intérêts financiers à court terme d’un opérateur qu’il faut répondre, mais aux exigences de protection de la population et des générations futures.
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