LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES ÉTAIENT CLAIRES : LE CLIMAT DOIT ÊTRE LA PRIORITÉ
Communiqué de presse de Michèle Rivasi, eurodéputée du groupe des Verts/ALE et co-rapporteur sur la gouvernance de l’Union de l’énergie
Alors que la loi relative à l’énergie et au climat est en cours d’examen à l’Assemblée nationale et que la France suffoque de chaleur, on aimerait se dire que la France et les autres États membres de l’Union européenne luttent contre le dérèglement climatique. Le message envoyé par les citoyens européens le 26 mai dernier est très clair : l’urgence climatique doit être une priorité. 5 ans c’est le temps que nous avons pour enclencher, secteur par secteur, la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, si on veut être dans les clous de l’accord de Paris sur le climat.
En réalité, les États membres ne sont pas sur la bonne trajectoire pour respecter l’Accord de Paris
Pour la première fois, la Commission européenne a analysé l’ensemble des objectifs, mesures et financements pour l’énergie et le climat prévus par les États-membres, afin de s’assurer que les États contribuent collectivement à l’atteinte des objectifs européens. Il s’agit des recommandations (rendues publiques le 18 juin 2019[1]) sur les projets de plans nationaux de l’énergie et du climat (NECP) dans le cadre des obligations énoncées dans le règlement sur la gouvernance (pour lequel Michèle Rivasi a été rapporteur[2]) adopté récemment. Ce processus vise à rendre plus contraignant la mise en œuvre des politiques européennes. Si leurs mesures ne sont pas jugées suffisamment ambitieuses, la Commission peut demander aux États de revoir leurs copies, en formulant des recommandations.Dans l’ensemble, les plans nationaux ne correspondent pas aux objectifs de l’UE récemment adoptés en matière d’énergies renouvelables (au moins 32% de la consommation finale d’énergie brute de l’Union d’ici 2030) et d’économies d’énergie (au moins 32,5% d’ici 2030). Pour les énergies renouvelables, il existe un écart de 1,6 % entre les plans nationaux et l’objectif de l’UE. Pour les économies d’énergie, l’écart est de 6%.
En ce qui concerne l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la Commission affirme que les NECP atteignent une réduction de 40% pour 2030 par rapport à 1990. Mais l’Union européenne doit, dans le cadre de l’Accord de Paris, revoir d’ici l’année prochaine, son ambition climatique pour 2030 et pour le respecter, nous devrions arriver à une réduction d’au moins 65%. Si l’Europe applique les nouveaux (maigres) objectifs 2030 pour les objectifs d’efficaciré énergétiques et d’énergies renouvelables, nous obtiendrons –sans aucun autre mesure supplémentaire- déjà une réduction de 45%. Scientifiquement, nous sortons des clous préconisés par le GIEC. Comment l’Europe peut-elle atteindre l’indispensable neutralité climatique d’ici 2040 (ce que les écologistes préconisent), voire d’ici 2050? Si nous voulons rester bien en-dessous de la barre des 2°C et viser les 1.5°C, si l’ambition est d’atteindre une économie basée sur la sobriété énergétique et du 100% renouvelables, nous n’avons pas d’autre choix que de réduire notre consommation d’énergie (d’au moins 40% d’ici 2030) et de monter en puissance l’utilisation des énergies renouveables (45% d’ici 2030). En terme de réduction de gaz à effet de serre, cela correspond à 65% de réduction par rapport à 1990. C’est seulement dans ces conditions que l’Europe pourra prétendre être en phase avec l’Accord de Paris!
La France n’est pas sur la bonne voie
C’est la conclusion du premier rapport du Haut Conseil pour le climat, l’instance indépendante lancée par Emmanuel Macron fin novembre 2018. Ce rapport a été remis par les onze experts (climatologues, économistes, ingénieurs, etc.) au premier ministre ce mardi 25 juin 2019. C’est également la conclusion de la Commission européenne qui demande à la France de revoir sa copie notamment sur le développement des énergies renouvelables, trop insuffisant pour qu’elle prenne sa part de responsabilité dans la transition énergétique du continent. Pour rappel, notre pays est le mauvais élève européen sur les énergies renouvelables. En 2016, les énergies renouvelables représentaient seulement, 17,2% de la production d’énergie en France qui doit atteindre 32% en 2030.
Deux autres points noirs sont les secteurs des transports et du bâtiment. La France est à plus de 11 points en-dessous de son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 et elle manque de mesures dans la rénovation du bâtiment permettant de lutter contre la précarité énergétique qui touche d’ailleurs 12 millions de nos concitoyens. Dans ses recommandations, la Commission européenne demande également de faire la transparence sur l’ensemble des subventions à l’énergie, estimées à au moins 11 milliards de subventions publiques accordées aux énergies fossiles cette année, sans compter le soutien aux entreprises via les garanties export, et de préciser les mesures pour y mettre fin.
L’Europe se fracture sur le climat alors que le temps presse. Doublons nos efforts pour susciter un consensus européen.
Le sommet de 20 et 21 juin était un échec : la Pologne, la Hongrie, République Tchèque et l’Estonie ont rejeté la transition vers la neutralité en gaz à effet de serre d’ici 2050. La neutralité carbone en 2050 doit être notre cap afin de se conformer à l’objectif de limiter l’augmentation des températures à 1,5°C. Mais nous devons surtout accélérer sur des actions de court-terme. Nous devons réduire nos émissions d’au moins -65% d’ici à 2030. Cela implique de réorienter tous les financements européens et nationaux qui vont actuellement aux énergies fossiles (en particulier charbon, gaz et pétrole), dont ceux de la Banque européenne d’investissement, vers des mesures de sobriété, notamment le soutien à la rénovation des logements, le développement des énergies renouvelables, les modes de transports les moins polluants, ainsi que les nécessaires reconversions professionnelles. La lutte contre le changement climatique, c’est aussi la lutte contre les accords de libre-échange et assurer une solidarité accrue de l’Europe envers les pays du Sud qui subissent déjà de plein fouet les impacts du changement climatique.
La France doit doubler ses efforts pour susciter le consensus européen et surtout elle doit être irréprochable sur sa propre politique climatique pour être crédible au niveau européen. Emmanuel Macron ne peut prétendre à prendre le lead européen du climat s’il refuse d’augmenter l’objectif de réduction des gaz à effet de serre pour 2030 à -57% ou refuse l’amendement visant à inscrire une taxation du kérosène au niveau national d’ici 2021 si aucune avancée n’avait lieu au niveau européen. En comparaison, un amendement similaire sur le kérosène a été voté aux Pays-Bas et les Finlandais visent la neutralité carbone d’ici 2035! A côté, Emmanuel Macron fait pâle figure.