Prolongations de la centrale slovène-croate de Krško: études d’incidence environnementale et consultation transfrontalière obligatoires!

À la lumière du tremblement de terre qui a frappé Zagreb le 22 mars 2020, d’une magnitude de 5,5 sur l’échelle de Richter, des inquiétudes ont été exprimées par les citoyens européens et les ONG quant à la sûreté des centrales nucléaires situées à proximité de l’épicentre du séisme, notamment la centrale slovène-croate de Krško. Les ondes sismiques du tremblement de terre de Zagreb se sont étendues jusqu’à la région autrichienne de Styrie. 

Nous, députés au Parlement européen, sommes très inquiets pour la sécurité des citoyens européens vivant à proximité des centrales nucléaires chaque fois qu’une catastrophe naturelle, comme le tremblement de terre de Zagreb, se produit.

La centrale nucléaire de Krsko, en Slovénie, a plus de 30 ans. La conception des réacteurs ne permet pas d’intégrer beaucoup de nouvelles technologies et les moyens de sûreté de cette centrale contre les tremblements de terre sont connues pour être insuffisantes. 

La Slovénie et la Croatie ont annoncé en février 2015 qu’elles prolongeraient de 20 ans la durée de vie de leur centrale nucléaire commune de Krško, c’est-à-dire jusqu’en 2043, malgré les nombreuses demandes de fermeture de cette unité. En outre, l’Agence slovène pour l’environnement (ARSO) a décidé qu’aucune évaluation des incidences sur l’environnement n’était nécessaire pour cette prolongation de 20 ans de la durée de vie.

La prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires doit être traitée comme une demande de nouveau projet. Le 29 juillet 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a répondu à une question préjudicielle posée par la Cour constitutionnelle belge sur l’application, aux réacteurs nucléaires belges Doel 1&2 (qui auraient dû être fermés en 2015 après avoir été utilisés pendant 40 ans), de la Convention d’Espoo, de la convention d’Aarhus, de la directive étude d’impact et des directives oiseaux et habitat. La Cour a tranché très clairement en faveur d’une évaluation environnementale fondée essentiellement sur la nature des travaux effectués, les modifications physiques du site et les risques de conséquences négatives sur l’environnement.

Dans sa réponse du 24 février 2020 à la question écrite E-004179/2019 posée par des eurodéputés, la Commission européenne a confirmé l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle la prolongation de la durée de vie d’un projet (en l’occurrence une centrale nucléaire) équivaut en soi au lancement d’un nouveau projet et est donc soumise au champ d’application de la directive sur les études d’incidence environnemental (EIE).

En février 2020, un groupe d’ONGs a contesté avec succès la décision de l’Agence slovène pour l’environnement (ARSO) de s’abstenir de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement. En effet, le tribunal administratif s’est appuyé sur la décision de la Cour européenne dans l’affaire belge Doel 1 & 2. L’ARSO devra maintenant procéder à une autre évaluation préliminaire et éventuellement à une évaluation d’impact, ce qui implique également une consultation transfrontalière.

La Commission a-t-elle connaissance de documents relatifs à une procédure d’évaluation environnementale ? Quelle est l’évaluation de la Commission concernant les projets de la Slovénie de prolonger la durée de vie de la centrale nucléaire de Krško, qui est proche des frontières autrichienne, croate, hongroise et italienne ?

En outre, la Commission européenne a annoncé le 11 février 2020 aux États membres qu’elle devrait réviser ses lignes directrices sur l’opérationnalisation de la décision de la Cour de justice en vertu de la directive sur l’évaluation des incidences sur l’environnement (directive 2011/92/UE). Il en va de même pour la mise en œuvre pratique des recommandations de la convention ESPOO sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires.

Avec mes collègues du Parlement européen, nous avons écrit à la Commission européenne afin d’avoir de plus amples informations sur le calendrier, les procédures et les possibilités de consultation que la Commission va suivre tant dans le cadre de la directive EIE que du processus en cours de la Convention ESPOO. Il s’agit d’informations essentielles pour le public et elles doivent être aussi transparentes que possible.

En outre, nous insistons sur le fait que les prolongations de la durée de vie des centrales nucléaires doivent suivre des lignes directrices européennes générales pour la sécurité des citoyens européens et que dans chaque évaluation, le principe de précaution soit appliqué tout en rendant le processus d’évaluation transparent et complet pour le public.

Télécharger: la lettre

Qu’en est-il de l’extension à 50 ans de la durée de vie des centrales nucléaires en France? 

En France, la loi ne prévoit pas de durée de validité pour les autorisations de fonctionnement des centrales nucléaires, bien qu’elles aient été conçues initialement pour durer 40 ans.  Une revue de sureté périodique est organisé tous les 10 ans pour autoriser, ou non, la poursuite de l’exploitation. Dans ce cas, la règle de droit rappelée par la Cour de justice doit être mobilisée  en France. Elle est totalement applicable étant donné la nature des travaux similaires.

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Par Michèle Rivasi

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