Crises sanitaire et environnementale: la double peine des peuples autochtones d’Amazonie

Un grand nombre des pires violations de l’environnement et des droits humains dans le monde sont dues à l’exploitation des ressources naturelles et à la corruption du système politique et économique mondial. L’industrie minière est liée au plus grand nombre de décès de défenseurs des terres et de l’environnement en 2019, suivie par l’agriculture, l’exploitation forestière et les bandes criminelles. Les peuples autochtones du monde entier continuent à être confrontées à des risques de violence disproportionnés, représentant 40 % des défenseurs assassinés l’année dernière. 

Au Brésil, où 24 défenseurs de l’environnement ont été tués en 2019, les communautés autochtones nous ont alerté sur un risque d’extinction dû à une double crise : une crise environnementale et une crise sanitaire. Depuis le début du gouvernement Bolsonaro, les mécanismes juridiques de protection de l’environnement et des droits des peuples autochtones ont été progressivement démantelés au Brésil. Le processus de délimitation des territoires indigènes a été interrompu. Pire encore, l’invasion illégale de ces terres indigènes est ouvertement encouragée par certains membres du gouvernement. Et l’utilisation de pesticides autrefois interdits est légalisée et parfois même utilisée comme une arme contre les défenseurs de l’environnement. 

Dans le même temps, nous constatons que l’inaction lente ou délibérée des gouvernements et des entreprises pour protéger les communautés vulnérables contre le Covid-19 a conduit à des taux d’infection plus élevés, faisant craindre des attaques opportunistes contre les défenseurs de l’environnement.

En outre, la région amazonienne du nord du Brésil est l’une des régions les plus durement touchées par l’épidémie de covid-19, affaiblissant encore davantage une communauté menacée par ceux qui veulent exploiter les richesses de leurs terres. Les peuples autcothones sont particulièrement vulnérables aux pandémies car ils ont montré peu de résistance aux maladies respiratoires dans le passé. Ils sont également plus faibles face aux épidémies en raison de leurs conditions sociales et sanitaires, telles que l’éloignement géographique et le manque d’installations sanitaires. 

Malgré les réglementations limitant les voyages et les activités économiques, de nombreuses activités économiques illégales se sont poursuivies ces derniers mois, ainsi que les activités des groupes armés qui exposent les communautés à un risque élevé d’infection. Les consultations avec les peuples indigènes et les évaluations d’impact environnemental ont été brusquement suspendues afin de forcer la mise en œuvre de méga-projets liés à l’agro-industrie, à l’exploitation minière, aux barrages et aux infrastructures. Les peuples autochtones qui perdent leurs terres et leurs moyens de subsistance sont alors poussés encore plus loin dans la pauvreté, avec des taux de malnutrition plus élevés, un manque d’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires, et l’exclusion des services médicaux, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux maladies.

Le 29 octobre 2020, j’appelais le Commissaire européen Lenarcic à organiser un fonds d’urgence pour protéger les peuples indigènes d’Amazonie contre la menace de la pandémie de Covid-19. Une aide d’urgence est nécessaire pour garantir la disponibilité des services médicaux, mais aussi pour assurer la fourniture de denrées alimentaires de base, de produits d’hygiène et de carburant afin qu’ils puissent être acheminés vers les communautés les plus isolées.

Nous sommes alarmés d’assister à un nouvel ethnocide sanitaire accompagné d’un écocide irrémédiable. L’inaction du gouvernement brésilien, la destruction de l’environnement de la forêt amazonienne et le manque de moyens et d’accès aux soins de santé sont autant d’éléments qui constituent un cocktail fatal pour des peuples indigènes déjà affaiblis.  Ces graves répercussions doivent faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la lutte contre cette crise sanitaire et contre les incendies et dans la période qui suivra. 

Nous nous mobilisons pour faire cesser la pression de l’Union européenne sur l’Amazonie et pour mettre en place des mesures contraignantes sur la déforestation, les normes sanitaires, les droits syndicaux et la protection des populations indigènes.  Les droits à l’autodétermination, aux terres, aux territoires et aux ressources doivent être garantis afin que les populations indigènes puissent gérer ces temps de crise et faire progresser les objectifs mondiaux de développement durable et de protection de l’environnement. Le 7 octobre, le Parlement européen a fait savoir que les députés européens ne ratifieraient pas l’accord commercial UE-Mercosur sous sa forme actuelle. Mais aujourd’hui, nous devons absolument assurer une aide d’urgence pour aider les peuples indigènes à faire face à cette maladie et nous comptons sur votre mobilisation – vous pour agir concrètement à cet égard.

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Par Michèle Rivasi

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