Ruthénium 106 : il est nécessaire d’agir rapidement !

Communiqué de presse par Michèle RIVASI (députée européenne écologiste, co-fondatrice de la CRIIRAD)

A la fin du mois de septembre, plusieurs réseaux européens de surveillance de la radioactivité ont repéré des traces radioactives sous la forme de ruthénium 106 (Ru-106), un produit issu de l’industrie nucléaire, dans l’atmosphère. En France l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), indiquait que du ruthénium 106 avait été détecté dans l’air de plusieurs pays européens et concluait, sans émettre aucune réserve sur les niveaux de risque sur le lieu de l’accident et dans les zones proches : « Les niveaux très faibles de contamination atmosphérique en ruthénium 106 observés à ce jour par les réseaux européens de surveillance sont sans conséquences pour l’environnement et pour la santé. Néanmoins, l’IRSN maintient une vigilance de surveillance sur cette présence de ruthénium dans l’air » [1].
En octobre, les simulations basées sur les données de mesure et les conditions météorologiques, menées par l’IRSN mais également vérifiées par d’autres experts internationaux, montrent que la zone de rejet la plus plausible se situe entre la Volga et l’Oural, mais sans être en mesure de préciser la localisation exacte du point de rejet. de son côté, la Russie nie toute responsabilité et Rosatom assure dans un communiqué qu’« aucune trace de ruthénium 106 n’a été découverte à part à Saint-Pétersbourg », ce qui est d’ailleurs difficile à comprendre. Le 20 novembre 2017, en contradiction avec les déclarations de Rosatom, l’agence de météorologie russe Rosguidromet finit par communiquer sur une pollution « extrêmement élevée ».

 

Réaction de Michèle Rivasi, eurodéputée du Groupe des Verts :

«Comme le ruthénium 106 n’est normalement pas détecté dans l’air, sa présence ne peut être due qu’à une libération incontrôlée. Il faut absolument déterminer l’origine de ces rejets de ruthénium 106 et les niveaux de risque au plus près de la source qui reste à confirmer. Il n’y a pas eu d’autres radionucléides artificiels mesurés en Europe, cela exclut un accident dans une centrale nucléaire. La source la plus probable est un site de traitement de combustible nucléaire ou un centre de médecine radioactive. La militante russe Nadezhda Kutepova, forte de sa connaissance du complexe de Mayak, met en évidence la possibilité d’un accident sur une usine de retraitement du combustible nucléaire ou sur l’une installation liée à la vitrification de déchets radioactifs.
Deux mois après cette détection, il est anormal de rester dans cette incertitude totale. Comme le relève la CRIIRAD[2], les données publiées par l’agence russe de météorologie soulèvent des questions. Ces données présentent  des niveaux nettement inférieurs aux indications de la simulation de l’IRSN. Les niveaux de dépôt au sol mesurés près de Mayak sont 100 fois à 1 000 fois inférieures à ceux annoncés par la modélisation de l’IRSN. De plus, les concentrations mesurées dans l’air sont du même ordre de grandeur que celles mesurées en Roumanie.  Or, sur la base des niveaux de ruthénium détectés en Europe, il a été estimé par l’IRSN que les rejets sur le site lui-même auraient été significatifs – entre 100 et 300 terabecquerels – et que si un accident de cette ampleur s’était produit en France, l’évacuation ou la mise à l’abri auraient été nécessaires pour les personnes vivant dans un rayon de plusieurs kilomètres autour du site de l’accident. Il faut comprendre l’origine de cet accident et il faut surveiller les retombées sanitaires notamment pour la population de la région de l’Oural déjà meurtrie à de nombreuses reprises par l’irresponsabilité de l’industrie nucléaire.
À ce jour, aucun pays n’a informé l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de l’origine de cette libération, bien que cela soit requis par la convention de 1986 sur la notification rapide d’un accident nucléaire. L’absence aujourd’hui de ce genre d’informations est irréaliste. Si l’installation à l’origine des rejets n’en est pas consciente, elle n’a pas pu mettre en place de mesures de radioprotection. S’il s’agit d’une dissimulation, la situation est encore plus inquiétante. L’OMS et l’AIEA ne peuvent rester silencieuses. Une totale transparence est indispensable, tant du côté des gouvernements, et notamment de la Fédération de Russie, que des organismes d’expertise. La Commission européenne a également un rôle à jouer en prenant des mesures de précautions, notamment sur le contrôle des aliments importés. La Commission européenne devrait agir et contacter ses homologues de Russie et du Kazakhstan pour demander des informations sur la cause, l’ampleur et l’emplacement exact de l’accident, ainsi que sur les mesures qui sont prises pour empêcher qu’une telle libération se passe à nouveau. »

Le 27 novembre 2017, avec mes collègues du parlement européen, nous avons adressé une lettre à Mr Juncker afin que la Commission européenne se mobilise sur cette questions: Télécharger

[1] http://www.irsn.fr/fr/actualites_presse/actualites/pages/20171004_detection-ruthenium-106-en-europe.aspx#.WhSLRLaiJE7
[2] http://www.criirad.org/accident-et-pollutions/som-accidents&pollutions.html

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Par Michèle Rivasi

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