LOI SAPIN 2 : ENCORE UN EFFORT DANS LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

A l’heure où l’AP-HP et son directeur Martin Hirsch souhaitent assainir les « liaisons dangereuses » entre l’industrie pharmaceutique et les médecins notamment dans les domaines de la formation et de la recherche clinique et où la Cour des Comptes juge inefficace les dispositions de la loi Bertrand pour lutter contre les conflits d’intérêts dans le domaine de la santé publique, le gouvernement présente demain en Conseil des Ministres une nouvelle loi contre la corruption et pour la transparence de la vie économique.
On peut saluer la volonté de ce texte de s’attaquer à un fléau qui sape nos fondements républicains et la notion d’intérêt général qui doit présider à toute décision publique : le règne de l’opacité et des conflits d’intérêts dans l’espace public.
Le projet de loi Sapin 2 prévoit de créer une agence de lutte contre la corruption, un registre public des lobbies pour encadrer leurs activités et de protéger les lanceurs d’alerte. Voilà de louables intentions devant être précisés lors de l’examen de ces dispositions au Parlement.
Trois dispositions font controverse pour les spécialistes de la lutte anti-corruption :
• La possibilité (initialement évoquée) pour les entreprises de transiger avec la justice dans les cas de corruption par des «convention de compensation d’intérêt public » est une entrave au bon fonctionnement de la justice.
• L’absence d’un reporting pays par pays public pour l’ensemble des entreprises françaises dans tous les territoires où elles sont présentes ; or, celui-ci favoriserait une transparence indispensable dans la lutte contre l’évasion fiscale.
• La non obligation de créer un registre des bénéficiaires effectifs des sociétés, nécessaire afin de lutter contre l’opacité des sociétés et des trusts.
De même, nous regrettons que la loi n’aille pas plus loin :
• En garantissant par la création d’un pôle d’expertise publique l’indépendance de l’information nourrissant la décision publique à un moment où la législation devient de plus technique, s’appuyant sur des « sachants » jonglant souvent entre intérêts publics et privés ;
• En prévenant les conflits d’intérêts en empêchant le « système des portes tournantes » par la mise en place d’un sas de plusieurs années pour empêcher le passage de haut fonctionnaires, d’élus ou de membres de cabinets ministériels vers le secteur privé. Le Canada a récemment montré l’exemple en votant une loi empêchant à tout « titulaires d’une charge publique désignée » d’exercer des activités de lobbying auprès du gouvernement du Canada durant une période de 5 ans après avoir quitté ses fonctions. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pourrait jouer ce rôle de contrôle avec un champ de mission élargi ;
• En renforçant les incompatibilités d’exercice d’une fonction élective avec certaines activités professionnelles de conseil ou d’avocat d’affaires. Le cas de Jérôme Cahuzac en matière de mise sur le marché et de remboursement de médicament est parlant en l’espèce.
(…)

Nous avons besoin d’un renforcement de notre arsenal législatif (au niveau national comme européen) et des autorités indépendantes pour éviter les dérives actuelles d’emprise des lobbys industriels sur la décision publique par une capture scientifique et réglementaire. Les parades démocratiques existent à l’instar de la contre-expertise citoyenne et de la co-élaboration des politiques publiques. C’est aussi par là que nous répondrons à la crise démocratique actuelle qui fait le lit du national-populisme.

Articles similaires :

Par Michèle Rivasi

Suivez-moi sur Facebook

Suivez-moi sur Twitter