Le rapport suisse « téléphonie mobile et rayonnement », rendu public fin novembre 2019 après un an d’attente, avait notamment pour mission d’évaluer les risques sanitaires de la 5G. Son absence de conclusion claire révèle le désaccord des experts sur ce dossier brûlant et laisse au gouvernement suisse la responsabilité d’arbitrer entres les options avancées. Ce rapport contient toutefois plusieurs réponses concrètes à certaines questions en suspens et reconnaît la hausse de l’exposition des futurs usagers de la 5G en évoquant plusieurs pistes « de précaution » en vue de limiter les risques de cette exposition accrue, relève la députée européenne Michèle Rivasi. Le rapport suisse souligne en particulier l’urgence de combler le manque d’études d’impact des rayonnements 5G sur le vivant.
Selon ce rapport sur les besoins et les risques liés au déploiement des réseaux 5G, les « quelques rares études » existantes sont en effet en nombre insuffisant pour pouvoir affirmer l’absence de risque. Il est donc urgent de se donner les moyens d’une véritable étude d’impact comme je le demande à la Commission européenne depuis plusieurs mois maintenant… et d’impulser si besoin les études manquantes en garantissant leur impartialité, leur objectivité et leur indépendance !
PRIVILEGIER LA RAPIDITE OU LA PRUDENCE ?
Second enseignement de ce rapport : la stratégie de déploiement de la 5G peut privilégier un rayonnement respectant les normes en vigueur. Le scénario poussé par les industriels, au « forçing » et à toute allure, s’accompagnerait d’ici 2030 d’une dramatique augmentation des valeurs moyenne d’exposition aux rayonnements électromagnétiques, avec un dépassement de 3 à 4 fois les seuils limites d’exposition respectant le principe de précaution fixé en Suisse. A l’inverse, des stratégies de déploiement sur 20 ou 30 ans, plus lentes mais aussi plus coûteuses en terme d’installation, peuvent respecter les limites d’expositions existantes… Ces scénarios à moindre rayonnement, qui retardent l’arrivée de la 5G, les opérateurs y sont malheureusement hostiles et réclament l’augmentation des valeurs limites actuelles.
Le manque de conclusion finale du rapport résulte en réalité du désaccord entre les sous-groupes d’experts dédiés à la santé et ceux s’exprimant sur le déploiement réseau.
MÉDECINS CONTRE TÉLÉCOMS ?
Signalons à ce propos les recommandations faites par l’union des villes suisses (UVS) et l’association des médecins en faveur de l’environnement (MfE), citées dans le rapport et qui invitent tous deux à séparer la couverture à l’extérieur et la couverture à l’intérieur des bâtiments en intégrant la fibre optique dans l’architecture réseau à déployer. Leur point de vue privilégie des infrastructures à faible rayonnement permettant d’atteindre, selon le MfE, des valeurs aussi faibles que 0,6 V/m à l’intérieur des habitations.
Ce rapport souligne également la multiplication par 10 attendue du volume mondial des données échangées et la part prépondérante des vidéos – proche de 60 % – dans les flux présents et à venir. Et anticipe la manière dont les utilisateurs seront plus ou moins exposés aux rayonnements des antennes et des terminaux 5G. Le constat de l’augmentation de l’exposition des usagers aux ondes de la 5G remarqué par les experts suisses fait d’ailleurs écho aux observations faites en 2018 en France durant les auditions de l’Office Parlementaire des Choix Scientifique (OPECST).
APPLIQUONS LE PRINCIPE DE PRECAUTION SUR LA 5G !
Ce rapport était d’autant plus attendu que la situation de la 5G en Suisse est assez unique. La Suisse est tout d’abord l’un des rares pays prenant en compte l’exposition chronique de sa population à travers une réglementation incluant des « valeurs limites d’installation ». Ces seuils limites spécifiques, basés sur le principe de précaution, s’avèrent 10 fois plus protecteurs que ceux généralement en vigueur en Europe.
Depuis le printemps 2019, les communes et cantons de Genève, Neuchâtel, Fribourg, etc. ont aussi pris des décisions « gelant » l’installation d’antennes 5G tant qu’une étude d’impact sanitaire n’était pas réalisée. Ces moratoires locaux s’opposent frontalement avec l’intention revendiquée par le gouvernement confédéral de faire du pays l’un des tous premiers couvert par la 5G. Une votation fédérale sur la 5G est en cours d’approbation d’ici le printemps 2020.
La parution de ce rapport est l’occasion de rappeler, à l’instar des experts du groupe de travail suisse, que ce dossier commande d’appliquer le principe de précaution : pas d’unanimité scientifique, pas de 5G ! Il est urgent de décréter un moratoire sur le déploiement de la 5G en Europe.
Le rapport « Téléphonie Mobile et Rayonnement »
http://bit.ly/OFEV_5G
Le rapport de l’OPECST sur
« Les Perspectives technologiques ouvertes par la 5G »
http://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-188-notice.html
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