LE DIMANCHE 6 AVRIL 2014 À 05:10
A sept semaines des élections européennes, la première « euro-manifestation » de l’année a rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Bruxelles, contre les politiques d’austérité et pour une « autre Europe ». Crise sanitaire et humanitaire en Grèce, prostitution et explosion du sida.
Alors que la Grèce s’apprête à retrouver les marchés et la croissance, le peuple grec est dans une situation sanitaire et sociale catastrophique. L’eurodéputée verte Michèle Rivasi lance un cri d’alerte.
« La Grèce est de retour », vient d’annoncer quasi triomphalement le premier ministre Antonis Samaras, président en exercice de l’Union, au lendemain de l’officialisation par les ministres des Finances de la zone euro d’une nouvelle tranche d’aide de 8,3 milliards d’euros qui permettra au pays d’honorer ses échéances de mai.
Après six années de récession sans précédent, après avoir évité de justesse la faillite et une sortie de la zone euro en 2012, la Grèce s’apprête à revenir, avant l’été, sur les marchés d’emprunts à long terme dont elle est absente depuis 2010. Et à renouer avec la croissance : le gouvernement de coalition conservateurs-socialistes peut même se prévaloir pour la première fois depuis longtemps d’un excédent budgétaire primaire (hors charge de la dette) ; une croissance timide de 0,6% est espérée pour 2014.
Le bout du tunnel, pas pour le peuple
Sous perfusion depuis quatre ans, Athènes entrevoit le bout du tunnel… financièrement. Mais humainement, le peuple n’a pas fini de payer l’addition. Car l’essentiel (77% selon une étude d’Attac Autriche qui n’a pas été démentie par Bruxelles) de l’argent du plan de sauvetage de la Grèce a bénéficié directement au secteur de la finance. « Sur les injonctions de la Troïka, le gouvernement grec reconduit le budget de l’armée. Dans le même temps, il a amputé des deux tiers le budget de la santé », s’est indignée Michèle Rivasi dans l’hémicycle du Parlement européen, accusant la Commission européenne d’être « co-responsable au sein de la Troïka de mesures délétères sur la santé des populations, alors qu’elle est censée être garante des traités, et notamment de la Charte des Droits Fondamentaux. A ce titre, elle était tenue de garantir à chacun l’accès aux soins, elle ne l’a pas fait, bien au contraire ! »
Catastrophe sanitaire et humanitaire
L’eurodéputée du groupe Verts a été bouleversée par son récent déplacement à Athènes. « Je ne m’attendais pas à une telle souffrance du peuple grec ». Elle rappelle la réduction des salaires de 40 à 50%, décrit les soupes populaires organisées midi et soir sur les places publiques, les enfants qui s’évanouissent à l’école parce que leurs parents ne peuvent plus leur payer à manger, le manque de médicaments et notamment d’antibiotiques, l’augmentation de la mortalité, l’explosion du sida, de la toxicomanie, de la prostitution.
« La santé de base n’est plus assurée, plus de 30% de la population n’a plus accès à la sécurité sociale », s’indigne Michèle Rivasi, pour qui la situation serait encore pire sans la solidarité et la mobilisation d’associations comme Médecins du monde.
Les effets de ce traumatisme se feront durablement sentir, bien au-delà de l’assainissement financier.
« Guerre entre pauvres »
Sans compter que cette précarisation conduit à « un refus du plus pauvre que soi, une guerre entre pauvres » regrette l’eurodéputée, qui s’inquiète du rejet des migrants en situation irrégulière, parqués dans des camps de rétention « pires que des prisons », de la montée de l’extrême droite.
Mais à l’approche des élections européennes, la gauche grecque opposée aux plans d’aide internationaux et aux mesures d’austérité, accroît elle aussi son avance dans les sondages. La démonstration de force des syndicats européens, notamment grecs, ce 4 avril à Bruxelles, en est l’illustration. Selon Bernadette Ségol, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, « plus de 52.000 personnes de 21 pays » ont défilé contre l’austérité et pour réclamer aux dirigeants de l’Union une » autre voie « , plus sociale pour l’Europe.
6 millions d’emplois supprimés en Europe
Selon une étude de l’influent cercle de recherches Brügel, présentée aux ministres des Finances de l’Union réunis à Athènes, près de la place Syntagma, lieu de nombreuses manifestations anti-austérité, la crise financière et la réduction des dépenses sociales ont coûté six millions d’emplois en Europe depuis 2008 et plongé plusieurs millions de personnes dans la pauvreté.
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