Tribune avec José Bové sur le HuffPost – Le fléau des boues rouges: un véritable poison en mer comme sur terre

L’usine de fabrication d’alumine de Gardane qui appartient au groupe Altéo, rejette en mer les déchets de sa fabrication, les boues rouges. Après près de 50 ans de rejets, le dépôt de ces boues rouges, chargées en métaux lourds, s’étend jusqu’à 2300 mètres de profondeur au niveau du canyon de la Cassidaigne et jusqu’à environ 65 kilomètres des côtes.

À l’Ouest, le dépôt s’étend jusqu’au niveau de Fos-sur-Mer. À l’Est, il s’étend de la plaine abyssale jusqu’à la hauteur de la rade de Toulon. Selon les estimations de l’exploitant actuel, 20 millions de tonnes de résidus de bauxite ont été rejetés en mer par l’usine de Gardanne depuis 1966, 30 millions selon le précédent exploitant Rio Tinto. C’est un massacre environnemental que des écologistes et des scientifiques dénoncent depuis des années.

Fin 2015, Altéo n’aura plus le droit de rejeter ses résidus solides en mer. Enfin! Pourtant le groupe compte encore y déverser ses effluents liquides et valoriser les résidus solides, la bauxaline. Depuis plusieurs années, nous demandons que la gestion des déchets de cette industrie ultra-polluante soit encadrée strictement tant sur terre qu’en mer.

Ségolène Royal, Ministre de l’écologie, a récemment commandé plusieurs études auprès du BRGM et de l’ANSES afin de trouver des solutions alternatives à ces rejets en mer méditerranée, au cœur du Parc des Calanques.

Le rapport de l’ANSES: une étude à charge sur l’impact des rejets

L’ANSES a étudié « l’impact potentiel sur la santé humaine du rejet en Méditerranée d’effluents issus des activités de transformation de minerai de bauxite ». Dans le cadre de l’exposition alimentaire liée à la consommation de poisson, l’ANSES estime que ces expositions, notamment à l’arsenic, au mercure, au plomb et au cuivre, sont 10 à 1000 fois supérieures à ce qu’Altéo avait mesuré!

Cette étude est riche d’enseignements; Altéo avait fortement (volontairement?) minimisé l’impact de ses rejets sur la faune du milieu marin et confirme nos forts soupçons sur l’impact sanitaire de ces boues rouges pour les consommateurs de poissons. Concernant l’impact de ses rejets pour la baignade, l’ANSES ne le considère pas comme significatif dans son étude mais l’Agence insiste sur la nécessité de réaliser un suivi analytique renforcé de la qualité des eux de baignade, jusqu’à Porquerolles!

Enfin, l’ANSES recommande de nouvelles campagnes de pêches, mieux définir la zone d’impact et le devenir des boues rouges déversées en mer. Il est regrettable que l’ANSES n’ait pas pu intégrer dans ses recherches les impacts des métaux identifiés comme traceurs du rejet d’Alteo que sont l’aluminium, le vanadium et le titane. Grâce à une extrapolation des chiffres donnés par Rio Tinto Alcan, l’ancien propriétaire de l’usine, l’ONG les Robins des bois estime qu’il y a 2.200.000 tonnes de résidus d’aluminium et 1.900.000 tonnes de titane accumulés en mer. Ce sont d’énormes quantités!

Ségolène Royal vient de suspendre la reconduction de l’autorisation du groupe Altéo à rejeter ces effluents liquides en mer en reportant sine die l’enquête publique. Nous nous félicitons de cette décision, qui impose à Altéo de fournir de nouvelles études sur l’impact environnemental et sanitaires de ces rejets.

Le rapport du BRGM: une étude biaisée

Dans un rapport publié en mars, le BRGM indique qu’Altéo utilise la « meilleure technique » avec l’usage de filtres -presse, pour limiter le volume de boues rouges solides rejeté en mer. L’achat de ces filtres a nécessité des investissements publics via l’agence de l’eau de plusieurs millions d’euros, pour une industrie polluante : on est loin du principe polluer-payeur! Et comment s’étonner de ces résultats complaisants, alors que le BRGM et Altéo sont partenaires pour valoriser les déchets de boues rouges dans un projet de plusieurs millions d’euros intitulé « BRAVO ». Dès lors, du fait du conflit d’intérêt majeur, comment considérer l’étude du BRGM comme indépendante et neutre?

Les solutions pour le stockage sur terre et les propositions de valorisation des boues rouges ne sont pas non plus satisfaisantes. Les services de l’Etat ont eux même constaté récemment la pollution par infiltration d’une résurgence d’eau et la contamination des nappes phréatiques à proximité du site de stockage des boues rouges sur la commune de Bouc-Bel-Air (site de Mange-Garri). Contrairement aux annonces du groupe Altéo, les résidus de bauxite ne constituent pas du tout une couche imperméable. Il en sera évidemment de même si la valorisation des ces résidus sous forme de bauxaline est acceptée: ils seraient alors utilisés comme remblais des routes, pour consolider des digues, ou même en apport minéral dans des aménagements paysagers.

Les déchets issus des boues rouges ne peuvent être ni rejetés en mer, ni valorisés. Il doivent être déclassifiés et traités comme les déchets dangereux et toxiques qu’ils sont. Ségolène Royal a montré qu’elle avait pris conscience du problème en mer, elle doit désormais résoudre le problème sur terre.

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Par Michèle Rivasi

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