L’opacité et le profit de Big Pharma continuent de primer sur la solidarité internationale

Le journal américain The New York Times révèle que les laboratoires pharmaceutiques refusent de rembourser les avances perçues du programme d’aide mondiale Covax dans le cadre des contrats d’achats anticipés de vaccins, annulés entre temps. Selon les documents financiers confidentiels de Gavi, l’Alliance mondiale des vaccins, le préjudice s’élèverait à 1.4 milliard de dollars. Le laboratoire Jonsson&Jonsson n’a pas accepté l’annulation de commande et demande ainsi à Covax de payer des sommes supplémentaires.

« Je suis scandalisée par cette affaire qui éclate au grand jour grâce à ces révélations venues de la presse.

Ces contrats de préachat conclus par Covax, au tout début de la pandémie pour approvisionner les pays en développement, ont d’abord été mis dans le tiroir. Les laboratoires préfèrent honorer les contrats avec les pays riches, plus juteux, laissant ainsi les pays en développement sans rien, avec la complicité de nos gouvernements.

Lorsque la demande mondiale de vaccins a chuté et que Covax a commencé à annuler ses commandes, ces multinationales ont refusé de rembourser les avances perçues. Autrement dit, aucune clause légale dans ces contrats de préachat n’oblige les firmes à rembourser les centaines des millions de dollars reçues d’avance à COVAX. Il est inacceptable que ces multinationales puissent faire de tels profits en empochant l’argent public de donateurs internationaux, y compris de l’Union européenne, à destination des pays en développement.

Je rappelle que ces contrats ne sont pas de simples accords commerciaux, ils concernent des vaccins développés et produits à grande échelle grâce aux deniers publics. Ces vaccins sont un bien commun. Si la commande pour un programme d’aide mondial est annulée, retenir des sommes colossales est tout simplement inadmissible.

Gavi, de son côté, telle une boîte noire, maintient ses contrats d’achats et toutes négociations connexes confidentiels. Maintenir l’opacité sur un enjeu d’une telle importance, c’est être complice de la voracité des firmes pharmaceutiques.

Enfin, j’appelle la Commissaire européenne au développement, Mme Jutta Urpilainen, qui viendra prochainement en Commission spéciale sur le Covid-19, à agir immédiatement et à réclamer le remboursement de ces sommes au nom de l’Union européenne. Les systèmes de santé des pays en développement en ont grandement besoin pour se relever et renforcer leur résilience ».

CONTEXTE :

Depuis sa création en 2020, COVAX est co-dirigé par l’Alliance Gavi, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) et l’OMS. Son objectif est d’accélérer la mise au point et la fabrication de vaccins contre la COVID-19 et d’en assurer un accès juste et équitable, à l’échelle mondiale. Au début de la pandémie, GAVI a été chargé par la communauté internationale d’acheter des vaccins Covid pour le monde en développement – armé de l’une des plus importantes mobilisations de financement humanitaire jamais réalisées, le programme COVAX – et a entamé des négociations avec les fabricants de vaccins.

Au nom du programme Covax, Gavi a conclu des accords avec neuf fabricants et a payé des avances pour réserver un certain nombre des doses. Mais très peu de ces contrats avec Covax ont été honorés par les fabricants. La grande majorité de ces entreprises ont donné la priorité aux pays à revenu élevé qui étaient en mesure de payer plus et qui ont verrouillé les premières doses. Ainsi, les vaccins anti-Covid n’ont commencé à atteindre les pays en développement en grand nombre qu’à la fin de 2021. Au moment où Gavi disposait d’un flux d’approvisionnement régulier, la demande en vaccin a chuté à travers le monde.

De plus, les pays riches, qui ont commandé beaucoup plus de doses qu’ils n’en avaient besoin, ont fait bénéficier COVAX de leurs propres excédents, en effectuant des donations en grand quantité. Et, Covax s’est retrouvé à accumuler les surplus.
Ainsi, Covax a commencé à annuler les contrats d’achats mais a dû accepter que certaines de ces multinationales conservent les avances perçues, en les transformant dans certains cas en avoirs pour des commandes futures.

Les différends persistent néanmoins avec les sociétés Novavax et Jonsson & Jonsson. Covax, d’après le journal The New York Times, risquerait de perdre beaucoup plus que la somme de 1,4 milliard de dollars déjà dépensée. Selon le quotidien américain, les entreprises ne sont pas tenues de restituer les avances perçues en vertu des accords qui les lient à Covax. Et, les renégociations de certains contrats, comme celui de Moderna et de Serum Institute of India, a permis à Covax de limiter les pertes financières de 1,6 milliard de dollars.

Le communiqué en PDF

Par Michèle Rivasi

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