[Communiqué] Commission Spéciale PEST : 4 ans après, l’essentiel reste à faire pour garantir la bonne santé des Européens et la protection de la biodiversité

4 ans après la publication du rapport de la commission spéciale #Pesticides, députés européens, ONG et parties prenantes se se sont réunis jeudi 27 avril au Parlement européen. L’objectif : faire le point sur les réalisations législatives et réglementaires et évaluer ce qu’il reste à faire pour mettre pleinement en œuvre les recommandations de la commission PEST.

Par Michele Rivasi, et Éric Andrieux, présidents de la commission spéciale PEST, et Anja Hazecamp, Katerina Konecna, Maria Noichl et Thomas Waitz, membres de la Commission PEST

En 2019, le Parlement européen a voté le rapport de la Commission Spéciale PEST et ses 109 recommandations pour protéger la santé humaine et la biodiversité contre les dangers des pesticides. Cette Commission Spéciale PEST avait été créée suite aux révélations liées à la publication des Monsanto Papers mettant à jour une campagne orchestrée de désinformation pour permettre la réautorisation du glyphosate, le pesticide le plus utilisé au monde.

Quatre années après, six anciens membres de la Commission Spéciale PEST ont décidé de faire un premier bilan de la mise en œuvre des recommandations en réunissant une dizaine d’intervenants provenant d’institutions officielles et d’organisations non gouvernementales.

A l’issue de cette rencontre, un constat s’impose : beaucoup reste à faire !

Réduire les risques associés aux pesticide passe d’abord par une réduction de leur usage. L’engagement de la Commission européenne de réduire de moitié la consommation de pesticide d’ici 2030 doit être intégré à la législation européenne au plus vite. Malgré les efforts des porte-voix de l’agrochimie qui instrumentalisent la guerre en Ukraine, c’est bien l’enjeu central des négociations en cours sur le règlement sur l’usage durable des pesticides (SUR).

Deux autres recommandations de PEST doivent trouver une concrétisation avec le règlement SUR. D’une part, des zones sans traitement à proximité des lieux de vie doivent être imposées pour protéger les personnes les plus fragiles comme les enfants et les femmes enceintes. D’autre part, les utilisateurs doivent consigner sur un répertoire centralisé où et quand ils ont recours à des pesticides. « C’est incontournable si l’on veut disposer des données suffisantes pour conduire des études épidémiologiques digne de ce nom et trouver des réponses face aux clusters de cancer pédiatriques notamment », alerte Éric Andrieu.

Pour atteindre l’objectif de réduction de moitié d’ici 2030, il est important de promouvoir les alternatives aux pesticides de synthèse tels que les produits du biocontrôle qui connaissent actuellement un développement rapide. La recommandation de PEST d’alléger la procédure d’homologation pour les substances à faible risque a été en grande partie entendue.

« Obtenir une plus grande transparence, notamment pour la société civile, dans les procédures d’homologation figurait également parmi les objectifs de PEST. La révision en 2021 du Règlement Aarhus leur offre un accès plus grand aux documents ainsi que la possibilité de contester des actes administratifs de la Commission devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). C’est une bonne chose ! Toutefois, la transparence sur les réunions de comités entre les États membres reste clairement insuffisante », regrette Kateřina Konečná.

« La transparence sur les réunions de comités entre les États membres reste clairement insuffisante. »

Kateřina Konečná, membre de la Commission PEST

Les procédures d’homologation des substances comme des produits doivent être améliorées pour éviter tous conflits d’intérêt. Si les règles de déontologie de l’EFSA pourraient être renforcées, c’est surtout l’absence d’un référentiel commun au niveau européen que continue de dénoncer les membres de la Commission Spéciale PEST. « Cette absence est d’autant plus troublante que l’on sait que des États membres peuvent se porter candidats pour conduire l’évaluation des risques d’un pesticide alors même que l’on sait pertinemment qu’ils n’ont ni règles déontologiques adaptées, ni moyens suffisants », déplore Anja Hazekamp.

La géométrie variable des règles de déontologie entre les États membres continue d’interroger, tout autant que la non prise en compte de la littérature scientifique indépendante. Ces manquements sont apparus de façon flagrante lors de la procédure de réautorisation du glyphosate au niveau des États membres en 2022. La Commission PEST avait pourtant clairement indiqué qu’il n’était pas supportable que les études produites par les entreprises elles-mêmes aient une place aussi centrale dans la procédure. « Il est urgent que la Commission européenne révise ses lignes directrices pour que les études indépendantes ne puissent être aussi facilement balayé d’un revers de la main », s’insurge Thomas Waitz.

L’interdiction de 144 co-formulants en mars 2023 figure indéniablement au rayon des bonnes nouvelles de ce bilan des recommandations de PEST. « Ces molécules sont ajoutées à la substance active principale pour en augmenter l’efficacité, mais leur toxicité propre ainsi que les ‘effets cocktails’ qu’ils engendrent continuent de ne pas être assez bien pris en compte, y compris lors l’homologation de la substance active, ce n’est pas sérieux », constate Maria Noichl.

« Le bénéfice du doute est trop souvent octroyé en faveur du maintien de la molécule : les prolongations sont trop systématiquement accordées tout comme les dérogations aux interdictions, même si l’arrêt récent de la CJUE sur les néonicotinoides devrait permettre de colmater en partie les brèches. »

Michèle Rivasi, membre de la Commission Spéciale PESTicides et coordinatrice pour le groupe politique des Verts/ALE

De surcroit, les anciens membres de la Commission PEST font le constat que le principe de précaution n’est pas assez respecté. « Le bénéfice du doute est trop souvent octroyé en faveur du maintien de la molécule : les prolongations sont trop systématiquement accordées tout comme les dérogations aux interdictions, même si l’arrêt récent de la CJUE sur les néonicotinoides devrait permettre de colmater en partie les brèches », considère Michèle Rivasi. Elle ajoute que « les recommandations pour mieux étudier les effets de long terme des pesticides, leur neurotoxicité chez l’Homme et les impacts sur la faune doivent davantage être pris en compte, poursuit-il/elle. Si l’impact sur les abeilles non sauvages est pris en compte, l’étude des conséquences sur les amphibiens, les espèces aquatiques et les autre invertébrés terrestres est lacunaire et appelle d’urgence une révision des documents de cadrage émanent de la Commission européenne. »

Enfin, parce qu’assurer les conditions de concurrence équitable entre la production européenne et les importations figuraient bien parmi les recommandations de PEST, il est important de souligner le travail qu’à conduit la Commission européenne pour supprimer les tolérances à l’importation sur les résidus de pesticides auprès des instances internationales. « Toutes les tolérances doivent être supprimées, au cas par cas, y compris quand il s’agit de pesticides interdits pour des raisons de protection de la biodiversité. Nous devons tirer vers le haut les standards de production partout sur la planète. Il est important que ce principe de suppression des tolérances à l’importation pour les pesticides interdits en Europe figure dans le prochain Règlement sur les systèmes alimentaires durables comme la Commission européenne s’y est engagée lors des négociations de la PAC. En outre, il est également indispensable que nous interdisions l’exportation de pesticides dont l’usage est interdit en Europe dans le cadre de la future révision du Règlement PIC, c’est une question de cohérence ! », martèle Éric Andrieu.

Le communique de presse en version PDF

Par Michèle Rivasi

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