Une mission d’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique (l’AIEA) s’est rendue à la centrale nucléaire de Zaporijia, la plus grande d’Europe fournissant environ 20 à 25 % de l’énergie du pays. Elle fait craindre une catastrophe nucléaire depuis que l’armée russe en a pris le contrôle au début de l’invasion. Après son premier jour d’inspection, le directeur de l’Agence a affirmé aux médias que « l’intégrité physique de la centrale a été violée à plusieurs reprises ».
« L’accès d’observateurs indépendants sur le site est essentiel pour obtenir des informations cruciales. Mais la question est de savoir si cette délégation peut travailler de manière transparente et va pouvoir inspecter tout ce qu’il y a à inspecter.
Je salue les équipes ukrainiennes de la société Energoatom toujours sur place pour faire fonctionner la centrale, malgré les défaillances qui se multiplient. Le personnel est un point central de la sûreté : ils sont de moins en moins nombreux et en situation de stress constant.
L’AIEA doit insister pour que les conditions de sécurité et de sureté redeviennent normales par la présence permanente d’experts et la démilitarisation de la zone. L’installation de Zaporijia n’a pas été conçue pour opérer dans une situation de guerre et l’on ne sait pas à combien de tirs de missiles elle pourrait résister.
La perte des systèmes de refroidissement est un point fortement inquiétant. Même lorsque ses réacteurs sont à l’arrêt, une centrale nucléaire a besoin d’électricité pour être refroidie en permanence, sous peine d’avoir des situations de type fusion du cœur et rejets radioactifs massifs. Récemment, un incendie a endommagé la dernière ligne haute tension qui alimentait la centrale, la déconnectant du réseau électrique pendant plusieurs heures : deux réacteurs qui fonctionnaient encore se sont arrêtés automatiquement. Heureusement, des alimentations de secours ont pris le relais. Ce type de situation diminue les marges de sûreté et nous rapproche d’une situation d’accident.
Enfin, l’indépendance est cruciale. Je suis ravie que des organisations maintiennent une vigilance permanente. Depuis Valence, la CRIIRAD est en état d’alerte depuis le début de la guerre en Ukraine. Chaque jour, ils vérifient les déclarations de l’autorité de sûreté nucléaire ukrainienne, la SNRIU, mais aussi les communications des exploitants et, surtout, les résultats des mesures des capteurs de radioactivité en Ukraine, accessibles à distance. Au début du conflit, ils avaient accès aux résultats de plusieurs dizaines de capteurs autour de la centrale de Zaporijjia. Aujourd’hui, ils n’ont accès qu’à 4 ou 5 capteurs dans un rayon de 20 km autour d’elle. Je continuerai à organiser la création d’un réseau indépendant d’acteurs formés pour tenir une veille sur la radioactivité partout en Europe et dans les pays voisins. »