Tribune : Arrêtons le Greenwashing, nous avons besoin d’une taxonomie crédible et fondée sur la science

Ce mardi 21 décembre, une tribune signée par les eurodéputés Michele Rivasi, Andreas Schieder et Cornelia Ernst a été publiée en version anglaise sur le média européen Euractiv. Dans celle-ci, ils s’opposent à l’inclusion des énergies polluantes dans la taxonomie verte que la Commission européenne s’apprête à publier sa proposition de liste d’investissements « verts ». Quelques jours auparavant lors d’une interview filmée, Michèle Rivasi expliquait plus en détails les enjeux autour de cette problématique.

La taxonomie de l’UE est un outil permettant de définir quelles activités économiques sont considérées comme « durables ». Une proposition d’inclure des activités supplémentaires  dans la taxonomie doit être publiée par la Commission européenne avant la fin de l’année. Nous, députés du Parlement européenne, nous inquiétons des vives tensions politiques pour inclure le gaz et le nucléaire dans la taxonomie, alors que cet outil s’appuie initialement sur des bases scientifiques. A quelques semaines de la présidence française de l’Union européenne, nous rappelons que la mise de ces deux énergies polluantes au même niveau que les énergies renouvelables sabotera la transition énergétique européenne.

L’inclusion des énergies du nucléaire et du gaz, même en tant qu’énergies de transition, est incompatible avec les principes scientifiques énoncés dans le règlement sur la taxonomie. Le gaz fossile contribue directement au dérèglement climatique et nous bloquera pour des décennies. Le rapport du GIEC sur le degré 1,5 indique clairement qu’aucune nouvelle infrastructure de combustible fossile ne peut être construite si cet objectif de température doit être atteint. Le nucléaire est quant à lui trop dangereux, générateur de déchets, trop cher et trop lent à mettre en place pour répondre aux défis environnementaux. Ce n’est pas pour rien qu’il n’a pas été inclus dans la taxonomie élaborée par le groupe initial d’experts techniques de la Commission, à cause de son inaptitude à répondre au principe d' »absence de préjudice significatif » de la taxonomie.

En effet, les risques du nucléaire ne peuvent être niés : le nucléaire a provoqué plusieurs catastrophes majeures dont les conséquences sont incommensurables, il manque de résilience face au changement climatique et l’extraction et le broyage de l’uranium ont lieu uniquement en dehors de l’UE, où on ne peut assurer le contrôle. Le nucléaire, c’est 300.000 tonnes de combustibles usés et hautement radioactifs qui ont déjà été accumulées dans le monde, un fardeau environnemental catastrophique que nous laisserons aux générations futures pendant plusieurs milliers d’années. Les seuls sites de stockage profond existants (Asse en Allemagne et WIPP aux États-Unis) posent des problèmes techniques et administratifs complexes aux autorités et constituent une charge importante pour l’environnement et la population locale. Le nucléaire est une technologie chère, lente à se développer et sujette à d’importants retards, comme l’illustre le chantier de l’EPR de Flamanville. Or nous avons besoin de diminuer drastiquement nos émissions en moins d’une décennie. 

Inclure des activités nuisibles et polluantes dans la taxonomie détruirait la crédibilité de l’Union européenne dans ce domaine. La taxonomie verte n’interdit pas d’investir dans les activités polluantes, elle constitue un outil de transparence qui empêche de présenter des activités non durables aux investisseurs comme « vertes ». Les récentes déclarations de la Commission européenne ont fait l’objet de vives critiques, notamment de la part des gouvernements nationaux, des organismes des Nations Unies, des groupes environnementaux et des investisseurs qui vont perdre confiance en cet outil. L’Alliance Net-Zero Asset Owner, constituée par les Nations unies et représentant 10 000 milliards de dollars d’actifs, a évoqué qu’elle s’opposerait à une telle décision. 

L’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie verte européenne ne repose surtout sur aucune base juridique. Une analyse juridique commandée par le gouvernement autrichien précise que cette inclusion est incompatible avec la base juridique de l’article 10 du règlement sur la taxonomie. La conclusion est claire: le nucléaire ne peut être considéré ni comme une activité verte, ni une activité de transition. Ce dernier ne couvre que les activités à forte intensité de carbone et exige de ne pas être un obstacle aux alternatives à faible intensité de carbone. Ce n’est pas le cas du nucléaire. L’Autriche, ainsi que l’Allemagne, le Danemark, le Luxembourg et le Portugal, peuvent compter sur notre soutien pour contester cette décision devant la Cour. La taxonomie repose sur des principes scientifiques, qui ne peuvent être modifiés à la discrétion des politiques. Ce n’est pas le but d’une politique sérieuse. Classer comme « verts » des investissements qui n’ont pas d’avenir à long terme dans le cadre du Green Deal rendrait difficile de créer des marchés verts sur son territoire et à l’étranger. Nous ne pouvons pas nous permettre une telle erreur. Le temps presse. La décennie pour faire face au changement climatique a déjà commencé.

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1 commentaire
  • Merci ! Le nucléaire n’est pas durable et comme pour bien des choses l’on oublie que dans le bénéfice/risque, lorsque le risque peut ressembler à l’apocalypse, l’on devrait écarter l’idée d’exploiter le nucléaire. Nous avons tous besoin d’énergies renouvelables et j’ai l’intime conviction que les marées ne wont pas exploitées. Je crois peu aux eoliennes et photovoltaique actuels car les déchets causes toujours un problème. Voilà, je ne suis pas scientifique et ne suis qu’une personne lambda admiratrice de vos combats et convictions que je partage.
    Cordialement.
    Jane

Par Michèle Rivasi

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