Stress tests: la sûreté et la sécurité nucléaire sont des enjeux européens qui doivent relever d’une compétence européenne

Ce matin, le Commissaire européen en charge de l’énergie – Günther Oettinger – est venu présenter aux députés européens les résultats des investigations réalisées sur les 134 réacteurs nucléaires européens opérationnels.

Ces résultats, que la presse avait déjà publiés en partie lundi dernier, ne surprennent pas les écologistes qui souhaitent désormais renforcer les prérogatives de l’Union européenne en matière de nucléaire. Le débat, très animé, a permis de révéler au grand jour la volonté des pays nucléarisés d’agir comme bon leur semble en matière de sûreté, et surtout de maîtriser la communication qui entoure le nucléaire.

Pour Yannick JADOT, député européen spécialiste des questions énergétiques:« Il est surprenant d’entendre le commissaire Oettinger vanter la qualité de la procédure d’évaluation des risques des installations nucléaires européennes alors que le cahier des charges de ces tests a été profondément réduit suite à la pression des lobbys du nucléaire. Les autorités nucléaires se sont contentées d’évaluer les risques de séisme et d’inondation. Exit les risques d’incendies, d’explosion, d’actes-malveillants, les chutes d’avion ou encore les erreurs humaines! Les scénarios et les procédures évalués sont incomplets, la qualité des systèmes liés à la sécurité et les composants des installations nucléaires ne font pas l’objet d’évaluation, les dégradations dues au temps ne sont pas prises en compte, et finalement la plupart des tests réalisés le sont sur le papier, sans contrôle sur site. C’est ainsi que dans certaines centrales évaluées positivement (en Belgique par exemple) des fissures ont été découvertes mettant en péril la sécurité de nos concitoyens. Il est aussi surprenant d’apprendre que les centrales frontalières de Fessenheim et Cattenom par exemple n’ont pas fait l’objet d’un contrôle européen. Enfin il est regrettable que le Commissaire ait présenté la communication de la commission comme un compromis entre pro et anti nucléaires. La sécurité et la sureté des centrales européennes ne peuvent pas être des compromis. »

Et l’eurodéputé d’ajouter: « Avec les risques de séisme et d’inondation, la facture européenne pourrait atteindre 25 milliards d’euros. Qu’en serait-il si tous les risques étaient sérieusement pris en compte? Décidément, le nucléaire coûte très cher! ».

Pour Michèle RIVASI, vice-présidente du Groupe des Verts-ALE spécialiste de la sûreté nucléaire, la réaction des eurodéputés à la Communication de la Commission révèle des incohérences et une certaine défiance nationale: « De nombreux eurodéputés – et les Français surtout – se sont indignés de l’ingérence de la Commission dans un domaine qui n’est pas censé faire partie de ses prérogatives. Par conséquent, ils considèrent que le document présenté ne devrait pas être reconnu comme un document officiel, et demandent à être associés plus étroitement au sujet du nucléaire dorénavant. C’est incroyable, puisque justement ces mêmes eurodéputés n’ont jamais remis en cause la base juridique d’Euratom qui exclut de fait le Parlement de la majorité des décisions prises en matière de nucléaire. Ces incohérences sont symptomatiques des partis qui considèrent que les autorités de sûreté nationales ont une compétence exclusive. Pourtant les liens d’intérêts au niveau national favorisent l’inaction et les coûts pour la France le démontrent: nous avons trop longtemps négligé la maintenance et l’amélioration de notre parc nucléaire, nous payons maintenant le prix fort pour une mise aux normes bien trop tardive ».

Et l’eurodéputée de conclure: « Pour moi, la sûreté comme la sécurité nucléaire doivent être une compétence européenne: il faut dépasser les prérogatives nationales car les nuages radioactifs n’ont pas de frontière et menacent l’ensemble des pays européens. Le nationalisme pro-nucléaire est revenu au galop et réveille les vieux démons de la raison d’Etat nucléaire. L’irresponsabilité d’Etats trop complaisants ne doit pourtant pas se faire au détriment de la protection de la population européenne. C’est être pro-européen que d’assumer une telle position, j’appelle donc notre gouvernement à soutenir le travail de la Commission pour une révision efficace et novatrice de la directive sur la sûreté nucléaire (prévue en 2013) ».

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2 commentaires
  • A propos des recombineurs d’hydrogène, une parade loin de ce que récite les experts du CEA, (sources IRSN)

    Les recombineurs sauveurs ? Pourtant, cette technologie « d’effacement » de concentration d’hydrogène (un explosif s’il en est) dans les enceintes des réacteurs nucléaires est toute récente. Des efforts en R&D qui ont été mis en œuvre et développement par l’IRSN, seulement à partir de 2002, pour des phénomènes chimiques connus depuis les années 1975 selon les documents accessibles et publiés par l’IRSN. Des contres mesures devenues indispensables, à la foi des experts, et suite aux accidents, de Three Mile Island, puis de celui de Tchernobyl en 1986. C’est dire de la réactivité, car la réalité est bien cruelle à dire et à constater, en ce royaume atomique de France, c’est que ces équipements, ont été mis en œuvre dans les centrales françaises, seulement à partir des années 2007 et suivantes. Et ne satisfait que partiellement aux exigences de sécurité, très loin de ce que décrit le Figaro.

    la suite :
    http://blogs.mediapart.fr/blog/patrig-k/011012/re-combine-nucleaire-l-hydrogene-oublie-par-l-ue-et-le-figaro

  • La position énoncée ici serait valable si « l’Europe » ne voulait pas dire « La Commission européenne »…
    Le jour où le Parlement européen sera un vrai Parlement il pourra se saisir de ce genre de question;
    En attendant, c’est dans les parlements nationaux que ça doit se passer.
    Même quand la Commission européenne « a raison »cela ne change rien à l’illégitimité foncière de son autorité…

Par Michèle Rivasi

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