Fukushima: les autorités instrumentalisent la culture japonaise pour maintenir la population dans l’ignorance

Michèle RIVASI, députée européenne Europe Ecologie – les Verts (EELV) et fondatrice du premier laboratoire indépendant de mesure de la radioactivité (CRIIRAD), vient de rentrer d’un voyage au Japon où elle a pu constater sur place l’impact de la catastrophe nucléaire sur le quotidien et la mentalité des Japonais. Invitée par le puissant Seikatsu Club, union des consommateurs forte de 22 millions de membres, et les Verts japonais elle est notamment allée à la rencontre des familles de paysans affectés par la catastrophe.

Elle revient effarée et révoltée par ce qu’elle a pu constater dans les territoires contaminés où la population continue de vivre exposée à des fortes doses d’irradiation. Trois mois après la catastrophe, le cauchemar ne fait malheureusement que commencer.

« Je reste de plus en plus convaincue que là où commence le nucléaire s’arrête la démocratie. Quand les autorités ne font pas de la désinformation, elles pêchent tout simplement par manque d’information: aucune précaution n’est prise pour protéger la santé des populations vivant en zone contaminée qui continuent de consommer les aliments contaminés, au péril de leur santé et de leur vie. J’ai appris que lors de la catastrophe, la distribution de pastilles d’iodure de potassium n’avait même pas été effectuée: on peut donc s’attendre à une forte hausse du nombre de cancers, surtout chez les enfants.

Qui plus est, aucune solution n’est apportée aux réfugiés de la radioactivité, ces populations exclues du périmètre des 20 kilomètres entourant la centrale. La plupart d’entre eux trouvent refuge auprès de proches, dans le périmètre de la zone d’évacuation volontaire. Aucune indemnité n’ayant encore été versée et aucun relogement n’ayant été effectué, les femmes et les enfants sont envoyés ailleurs pendant que les hommes continuent d’exercer leurs activités agricoles dans des zones contaminées. Les villageois n’arrivent pas à croire que la nature qui fleurit et bourgeonne est une nature morte: ils tentent d’éviter ainsi ce que l’on appelle communément le ‘stress radiologique’ qui peut mener à des troubles psychologiques sérieux.

Cet état de fait est facilité par la culture japonaise, une culture de soumission qui pousse les gens à contenir leurs émotions: ils s’interdisent d’exprimer leur désarroi publiquement, terrassés par la fatalité. Leur colère interne se manifeste sous la forme d’une résignation totale. En conséquence, les autorités profitent de cette faiblesse culturelle pour imposer une omerta inquiétante facilitée par l’absence de contre-pouvoirs. Heureusement, des groupes aidés par la CRIIRAD viennent d’être créés et visent à contrôler le niveau de radioactivité de aliments consommés: c’est un premier pas salutaire dans la lutte contre la désinformation. Pourtant la catastrophe reste permanente: l’irradiation reste tellement forte que les travaux dans la centrale peinent à évoluer et le risque d’explosion par hydrogène dans les réacteurs endommagés reste important. Le pire peut toujours subvenir. »

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Par Michèle Rivasi

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