Colloque sur la réforme de la PAC à La Coordination Rhône Alpes de l’agriculture biologique

A titre d’introduction de la journée, je suis intervenue sur le contexte de la réforme de la PAC.

Le principe de la PAC a été crée en 1957 par le Traité de Rome, avec pour objectif l’autosuffisance alimentaire du continent européen. La première PAC date de 1962.

Budget PAC : près de la moitié du budget européen (environ 45%), après la politique de cohésion (fonds européens FEDER)
Les mesures prises, subventionnant largement les agriculteurs européens, ont poussé à la mécanisation puis à l’industrialisation de l’agriculture.
Cette industrialisation passe aussi par l’utilisation accrue des résidus chimiques de la seconde guerre mondiale, « recyclés » en intrants et pesticides pour accroitre la productivité des terres agricoles.
56 ans après, et suite à plusieurs réformes successives de la PAC pour l’adapter aux évolutions des exploitations agricoles nationales, à l’élargissement européen et au marché agricole mondial, la réforme de 2013 intervient dans un contexte de crise agricole, sociale, environnementale et énergétique. Ces différentes crises doivent absolument être prises en compte pour mener la réforme à bien.

• Crise agricole : (prix alimentaires au niveau international et émeutes de la faim dans les pays du Sud)
Inscrit dans le commerce mondial, l’agriculture connait des crises de production, mais cause aussi des problèmes économiques.
– Problèmes éco : Les principes de l’UE sont ceux de la liberté de circulation des marchandises (un marché unique), et la libre concurrence. La politique agricole s’inscrit donc dans ces principes, et a contribué à faire des denrées agricole et alimentaire des produits dépendants des marchés financiers. Ceci a d’ailleurs provoqué des crises alimentaires mondiales, et n’est pas non plus étranger à la famine.
– Problème Nord/Sud : En parallèle, la politique commerciale de l’UE envers les Etats tiers a des effets pervers sur leur propre marché agricole : en subventionnant largement ses produits agricoles (prime à l’exportation notamment pour éviter les surplus dans l’UE), ceci sont moins chers sur les marchés des pays du sud que les produits locaux. L’agriculture vivrière est donc asphyxiée par cela. Cette situation est un véritable dumping économique !
– Problèmes de production : épuisement des sols et production intense d’un produit unique (politique de spécialisation prônée par le FMI en échange d’aide financière aux pays du Sud)
 Recommandations :
– Réformer les accords commerciaux avec les pays tiers
– Réformer le principe de préférence communautaire qui implique une taxation forte des produits venant de l’extérieur de l’UE (difficulté pour les pays du Sud de vendre leur production)

• Crise sociale : (crise du lait, revenus peu rémunérateurs…)
Les agriculteurs, soumis aux contraintes du marché européen et mondial, doivent revoir à la baisse les prix de vente de leurs produits. Ils vivent ainsi essentiellement des subventions versées via la PAC européenne.
Mais ceci n’est pas satisfaisant pour ces agriculteurs.
La crise du lait a montré cette grogne, et c’est pour des raisons comme celles-ci qu’il faut redonner aux aliments leur « vrai » prix, et non pas un prix imposé par des marchés concurrentiels qui les tirent toujours plus vers le bas pour être concurrentiel.
Chômage : avec la mécanisation de l’agriculture, de nombreux emplois ont été remplacés par les machines. Alors que le secteur agricole comptait un quart de la population active dans les années 50, aujourd’hui, seuls 2 à 3% de la population active travaille dans le secteur de l’exploitation agricole.
Difficulté d’installation à cause du foncier : la terre destinée à l’agriculture est confrontée aux spéculations immobilières. Ainsi, ces terres ont des prix qui flambent lorsqu’un agriculteur prend sa retraite et que sa terre n’est pas reprise.
Les jeunes agriculteurs qui sortent de l’école ont donc beaucoup de difficultés à s’installer, car le prix de la terre agricole est inabordable. Ainsi, des associations comme Terre de liens, société foncière, acquière des terres agricoles pour les louer à des agriculteurs souhaitant s’installer et faire une agriculture paysanne, de proximité et biologique.
Recommandations :
– Généraliser le principe d’achats de terres (exemple de Terre de Liens) ou législation spécifique qui « sort » du marché immobilier classique les terres agricoles (exemple en France des zones agricoles protégées avec la commune de Châteauneuf sur Isère)
– Réforme profonde du système de subventions : pas en fonction de la production, mais en fonction du respect de normes environnementales et sociales.

• Crise environnementale : (changement climatique, atteinte à la santé des terres)

Notre environnement subit de plus en plus fortement notre mode de vie et de production industrielle. L’agriculture représente 26% des émissions de gaz à effet de serre : industrialisation agricole (pesticides…), transport, production de viande bovine, pollution des nappes phréatiques…
C’est donc un domaine dans lequel des efforts peuvent être faits pour atteindre l’objectif de réduction de 20% de nos Gaz à Effet de Serre prôné par l’UE, et que nous soutenons.

Politique contradictoire de l’UE : elle promeut 20% de réduction des Gaz a Effet de Serre , mais finance très largement une agriculture polluante.

L’eau est également très utilisée dans l’agriculture industrielle, car l’on cultive des produits non adaptés au contexte géographique et à notre climat, et qui nécessite une consommation d’eau excessive (maïs par exemple)
L’eau est aussi pollué car elle véhicule dans les nappes phréatiques, les rivières ou la Mer (exemple de la Baltique, ou en Bretagne) des résidus chimiques issus des activités agricoles.

Destruction des colonies d’abeilles (due aux pesticides) : nécessité impérative de préserver cet animal pollinisateur, qui permet aussi de sauvegarder la biodiversité de nos fruits, légumes.

Pollution accrue des sols et épuisement : perte progressive de productivité, et biodiversité tuée par l’usage excessif de pesticides
Recommandations :
– Réduction de l’usage des pesticides et mesures spécifiques de protection des colonies d’abeilles
– Relocalisation de l’agriculture pour moins de transport des denrées agricoles
– Production d’aliments destinés aux animaux en Europe (car forte dépendance des USA, et destruction de la forêt amazonienne pour la production de soja)
– Imposer des normes environnementale à la production intensive de viande bovine (nombre maximal de bovin sur un périmètre précis…)

• Crise énergétique :
Le pic de production de pétrole a été franchi, il semble indispensable de relocaliser l’agriculture. Il ne sera plus possible, ou en tout cas très cher avec la rareté du pétrole, de faire venir par camions ou avions entiers des fruits, légumes ou aliments destinés aux animaux pour répondre à nos besoins de consommation.
Les intrants chimiques et pesticides sont également des dérivés du pétrole, et ces produits vont aussi subir de plein fouet la cherté et la rareté progressive du pétrole.
Préservation indispensable de la ressource en eau.
 Recommandations :
– Limiter ou stopper l’usage des pesticides
– Relocaliser l’agriculture
– Approvisionner un périmètre restreint

DEFIS : Il faut que la réforme de la PAC prenne en compte ces différentes crises, qui peuvent être combattues de façon transversale avec une agriculture plus locale, moins gourmande en énergie fossile, et respectueuse de la terre et des saisons.
– Ouvrir la PAC et ses subsides à l’agriculture biologique (attention cependant la réglementation européenne en matière de bio (peu ambitieuse, avec le seuil de 0,9%d’OGM tolérés), et attention aux critères qui seront établis : nécessité d’intégrer des critères sociaux, et de proximité, mais contradiction avec les traités européens contre la « préférence nationale » et pour un marché unique interne à l’UE)

– Aider les petites exploitations : ne pas aider en fonction de la taille du terrain agricole, car ainsi, c’est la mort des petites exploitations qui promeuvent pourtant plus d’emplois (proportionnellement) aux grandes exploitations.

– Favoriser (vraiment) l’aménagement rural, tel que développé initialement dans le second volet de la PAC après 2003.

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Par Michèle Rivasi

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