Stop aux rejets de boues rouges en Méditerranée (appel publié sur Mediapart)

 

Depuis près d’une cinquantaine d’années, environ 30 millions de tonnes de « boues rouges » ont été déversées au large de Cassis, au cœur du Parc national des Calanques. Ces boues rouges, produites à Gardanne, sont des résidus industriels issus de la fabrication d’alumine, chargés en métaux lourds toxiques (titane, chrome, plomb, nickel, mercure, arsenic, cadmium, etc).

Acheminées par une conduite longue de 47 km reliant l’usine de Gardanne à la mer Méditerranée, elles sont rejetées à 320 mètres de profondeur dans le canyon sous-marin de Cassidaigne, mais s’étalent sur les fonds marins de Marseille à Toulon.

Les boues rouges sont brassées par des courants marins qui dispersent les particules les plus fines telles que les métaux lourds beaucoup plus loin en Méditerranée.

Dans les années 1990, le groupe Pechiney, alors propriétaire du site de Gardanne, finance une étude d’impact de ses rejets de boues rouges en mer. Le rapport de cette étude réalisée par la Créocéan établit que les boues rouges sont toxiques pour plusieurs espèces, dont les oursins. Le rapport gênant fut protégé à la demande de Pechiney par une clause de confidentialité et de non divulgation de ses résultats pour une durée de 10 ans. Entre 1994 et 1995, Pechiney se dota d’un comité scientifique de suivi pour contrôler les rejets en mer. Depuis sa création, le comité affirme que les boues rouges ne sont pas toxiques et ne présentent aucun risque pour l’environnement. Cette thèse est contredite par plusieurs chercheurs qui sont convaincus que les boues rouges continuent d’impacter fortement l’écosystème méditerranéen.

En effet, les métaux lourds présents dans les boues rouges se retrouvent dans la chaîne trophique (le plancton, les espèces benthiques et pélagiques, les oursins, les poissons…) et s’accumulent dans les organismes. Les boues rouges menacent donc directement la santé et l’environnement.

Le gestionnaire actuel du site, un nouveau groupe appelé Alteo, annonce que la conduite ne servira plus à rejeter des boues rouges en mer fin 2015. Or, une interrogation plane autour du respect de cet engagement et de son éventuelle utilisation pour rejeter d’autres déchets non spécifiés. Les boues rouges produites par le centre de Gardanne sont actuellement à 80% rejetées en mer et devront être stockés à terre dès l’arrêt total et définitif des rejets. Elles seront alors en grande partie valorisées par l’exploitant, ce qui consiste à les filtrer, les déshydrater et leur donner un nom commercial attractif. Les différentes valorisations envisagées devront trouver un marché, mais les boues rouges conserveront la majorité de leurs propriétés physiques et leurs teneurs en métaux lourds. Ces boues rouges devenues «Bauxaline» ou «Bauxsol» sont déjà vendues dans les secteurs des travaux publics, du bâtiment, de l’horticulture, de la dépollution des eaux et des sols et plus globalement dans des applications environnementales. On les retrouve dans nos champs, nos routes, nos décharges, nos bâtiments et ironie du sort, en mer, sous forme de récifs artificiels.

Le scandale sanitaire est donc loin de s’interrompre.

Quelle est l’évolution chimique de ces résidus, en mer ou sur terre ?

Quels sont les risques sanitaires pour l’écosystème méditerranéen et pour l’homme ?

Aujourd’hui, trop de questions se posent autour de cette industrie. Cest pourquoi des scientifiques, des personnalités publiques, des élus et des ONG se mobilisent et demandent l’arrêt immédiat des rejets en mer.

Nous demandons :

–  que la convention de Barcelone de 1976 pour la protection de la mer contre la pollution ainsi que le droit à l’information en matière environnementale et sanitaire soient enfin respectés. Le rapport à l’environnement et au secret des industriels doit évoluer et l’usine de Gardanne peut changer de cap. Il est temps pour chacun d’assumer ses responsabilités et de ne pas céder au chantage économique quand la santé publique et l’environnement sont en danger.

– l’arrêt définitif des rejets de boues rouges et autres résidus industriels de Gardanne en Méditerranée dès 2013.

– des études scientifiques indépendantes sur les métaux lourds, les boues rouges et les produits commerciaux issus de la valorisation de ces déchets, pour en évaluer l’impact sur la santé et l’environnement.

Premiers signataires

Amis de la Terre
Association Non Au mercure Dentaire
Association Toxicologie-Chimie
ATTAC
Florence Arthaud, navigatrice
Geneviève Azam, enseignante-chercheure en économie
Yann-Arthus Bertrand, président de la fondation Good Planet
José Bové, eurodéputé
André Cicollela, toxicologue, chercheur en santé environnementale, spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires
Regroupement littoral Méditerranée (collectif citoyen)
Catherine Jeandel, directrice de recherche au Laboratoire d’étude en géophysique et océanographie spatiale
Greenpeace
Nicolas Hulot,
Yves Lancelot, océanographe, ex-directeur de recherche au CNRS
Gilles Nalbone, directeur de recherche à l’Inserm
André Picot, toxicochimiste, ingénieur en chimie biologie
Michèle Rivasi, eurodéputée
Rassemblement pour la Planète
Réseau Environnement Santé
Robin des Bois
Sea Shepherd
WWF

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Par Michèle Rivasi

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