OGM : à quand une étude publique? (Le Parisien)

Malgré le flot de critiques scientifiques qui démontent depuis des semaines sa méthodologie et ses résultats, l’étude du professeur Gilles-Eric Séralini sur le maïs génétiquement modifié NK 603 aura eu au moins un mérite : pointer du doigt le manque de recherches sur les effets à long terme des OGM.

Les conclusions du chercheur français, qui pointait un risque accru de tumeurs mammaires et d’atteintes hépato-rénales sur des rats nourris pendant deux ans au maïs OGM, ont été réfutées hier par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Tout aussi critique, le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) a toutefois recommandé une « étude de long terme, indépendante et contradictoire sous l’égide des pouvoirs publics » pour « lever le doute » dans l’opinion publique.

Une manière de remettre en cause les tests fournis jusqu’ici aux autorités sanitaires par les fabricants d’OGM eux-mêmes. Si l’agence sanitaire de l’alimentation (Anses) n’est pas contre le principe de dupliquer à plus grande échelle l’étude Séralini, elle pointe l’ampleur et le coût de la tâche. L’étude du professeur avait duré deux ans et coûté 3 M€. « Et il faudrait au moins cent rats par groupe pour pouvoir interpréter des données », confie un chercheur de l’Anses. En période de crise, qui paiera la facture? « Pourquoi ne pas demander à Monsanto de payer », suggère l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi.

En attendant que l’Europe ou la France donne son feu vert à cette nouvelle étude, le ministre de l’Agriculture a plaidé hier pour « une remise à plat du dispositif européen d’évaluation, d’autorisation et de contrôle des OGM et des pesticides ». « Il y aura sûrement nécessité de refaire des études (de long terme), reconnaît Stéphane Le Foll. Mais surtout, à l’échelle de l’Europe, c’est l’ensemble des critères juridiques qui doivent être revus pour que ces études soient menées de manière différente ».

La France pose notamment la question de la durée des tests OGM menés sur les rats, aujourd’hui limités à quatre-vingt-dix jours et financés par les fabricants eux-mêmes. « Dans les différentes commissions et académies d’experts qui ont critiqué mon étude, il y a des gens qui ont autorisé ces OGM, et je demande aujourd’hui la plus grande transparence sur les tests qui ont permis d’autoriser ces produits, nous confiait hier Gilles-Eric Séralini. On pourra ainsi comparer notre étude à celles des fabricants d’OGM ».

L’Anses a reconnu hier « le nombre limité de publications traitant des effets potentiels à long terme d’une consommation d’OGM associés à des pesticides ». L’agence sanitaire recommande donc d’effectuer, en mobilisant des fonds publics, des « études et des recherches d’envergure » sur le modèle… de celle du chercheur français.

« Nous devrions nous inspirer de l’Agence fédérale américaine de toxicologie qui dispose d’un budget annuel de 120 millions de dollars pour effectuer des études lourdes au cas par cas, explique le directeur général de l’Anses », Marc Mortureux.

« Le doute ne doit pas concerner exclusivement l’étude du professeur Séralini », insiste-t-on chez Greenpeace. Pointant du doigt la « responsabilité des agences sanitaires et de la communauté scientifique », l’ONG les appelle « à faire preuve de la même sévérité avec les études fournies par les industriels ».

Par Michèle Rivasi

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