Nucléaire: il devient impératif de provoquer un débat national sur le démantèlement des centrales françaises

Alors que vient de se terminer la réunion de la CLI (commission locale d’information) de la centrale du Bugey, des associations de riverains ainsi que Stop Bugey et la Criirad dénoncent la reprise des travaux liés au centre de stockage de déchets radioactifs ICEDA, qui doit être construit juste à côté du site actuel.

L’ICEDA (Installation de Conditionnement et d’Entreposage de Déchets Activés) est censée permettre de conditionner et d’entreposer « temporairement » (pour 50 ans) les déchets activés des réacteurs en cours de démantèlement par EDF (aucun n’a encore été terminé, le réacteur de Brennilis est à l’arrêt depuis déjà… 1985).

Depuis 2006, ce projet a soulevé de nombreuses oppositions, notamment face aux pollutions et dangers qui lui sont liés comme le transport de matières radioactives et le risque d’inondation en cas de rupture du barrage de Vouglas. Mais ce qui est particulièrement inadmissible est la façon dont l’industrie nucléaire a réussi à passer outre des décisions de justice.

Pour preuve : suite aux plaintes de riverains et d’associations, le permis de construire de l’ICEDA a été annulé deux fois par le tribunal administratif de Lyon, pour non-respect du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la commune de Saint Vulbas où se trouve la centrale du Bugey.

Forçant cette décision, EDF fait pression sur la commune pour qu’elle révise son PLU et rende le projet possible. Un nouveau permis est alors obtenu, pour être finalement rejeté par la justice (ici encore après un admirable travail de veille des associations citoyennes), pour violation de procédure.

Dernier coup de bélier d’EDF : un recours devant le Conseil d’Etat, qui finit par désavouer ce que le tribunal administratif de Lyon avait confirmé par deux fois. La construction d’ICEDA va donc de nouveau reprendre.

Ce que révèle cette affaire, c’est bien sûr l’éternelle et honteuse opacité du nucléaire. C’est aussi l’absence de débat plus général sur le démantèlement en France. Les 5 milliards d’euros de perte d’Areva en 2014 ne sont pas un épiphénomène : ils témoignent de la fin d’une filière, de son obsolescence et de décennies d’erreurs.

Prévoir le démantèlement devient donc absolument essentiel, mais ceci doit être fait à l’échelle nationale, avec un débat ouvert sur les différentes options possibles, entre démantèlement immédiat, différé, et confinement sur place. Ses coûts restent au demeurant encore inconnus et, selon la Cour des comptes, insuffisamment couverts par EDF, qui prévoit aujourd’hui environ 20 milliards d´euros pour l´ensemble du parc.

Et bien sûr, en respectant la loi, les recommandations de l’autorité environnementale, et ses exigences de véritable information du public…ce qui n’a pas été le cas à Brennilis en Bretagne où le Conseil d’Etat a annulé le décret de démantèlement de la centrale pour absence d’enquête publique !

La lutte pour cette transparence menée par les associations autour de l´ICEDA est un très bel exemple de la volonté des citoyens de reprendre les rênes d’un cheval devenu complètement fou, pour que l´ère du démantèlement soit différente de la tradition d’omerta et de contrôle de la justice par l’industrie nucléaire, qui a prévalu jusque-là.

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Par Michèle Rivasi

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