Nucléaire – Exportation d’électricité vers l’Allemagne: neuf mois de jackpot…et combien d’années avant la banqueroute?

Le 28 février dernier, une étude du cabinet SIA Conseil a été largement relayée par l’ensemble des grands média français. Les conclusions de cette étude avançaient que la fermeture des 8 réacteurs nucléaires allemands avait rapporté près de 360 millions d’euros en neuf mois à la France grâce à l’électricité exportée outre-Rhin.

Pour Michèle RIVASI, porte-parole d’Eva Joly, cette étude est surtout un joli exercice de communication pro-nucléaire: « On peut faire dire n’importe quoi aux chiffres, c’est bien connu, et le lobby nucléaire a toujours abusé de cette vieille pratique manipulatrice. Avec un peu de discernement et de curiosité on peut très vite démonter un argumentaire aussi orienté. Autrement énoncé: dis moi qui sont tes clients et je te dirai quelles seront les conclusions des études qu’ils commandent. »

« Il faut que les Français comprennent que l’électricité a un prix qui peut varier de façon extrême: le cours du MWh est de 50 à 55 euros habituellement en Europe, mais dans des situations de forte demande celui-ci peut exploser et atteindre jusqu’à 1980 € (1). Ces variations de la demande ont plusieurs facteurs, dont un reste prépondérant: l’aléa climatique. Quand nous avons des températures extrêmes, le prix suit la courbe du thermomètre de manière exponentielle. Et c’est surtout la France qui fait les frais de cette logique lors d’hivers rigoureux, puisque notre monoculture nucléaire nous a obligés à recourir massivement au chauffage électrique. Ainsi, la France exporte toujours de l’électricité quand la demande est faible et donc au prix le plus bas, et importe quand la demande est forte et au prix le plus cher, comme ce fut le cas ces 30 derniers jours. »

« Ainsi, l’Allemagne fait preuve d’une logique bien plus rationnelle que la France, elle importe de l’électricité française quand la demande est faible pour éviter de recourir à l’ouverture temporaire de centrales d’appoint. Et si le solde des échanges commerciaux d’électricité entre les deux pays favorise la France, c’est surtout car l’année 2011 a été très chaude et car l’Allemagne a volontairement décidé de réduire ses exportations. »

Et Michèle RIVASI de conclure: « Cette étude est totalement tronquée: en excluant les mois les plus pénalisants pour la France et en utilisant les neuf mois les plus favorables (de mars à décembre), SIA Conseil a encore démontré son attachement au soutien de la filière nucléaire, et à ses clients. Ce fut déjà le cas précédemment lorsque ce cabinet avait conclu dans une autre étude que les emplois dans le photovoltaïque revenaient plus chers que le coût de réinsertion d’un chômeur (2)! Bref, cette étude complète les autres calculs de coin de table toujours bien relayés dans les média, dans le but de démontrer que l’Allemagne a eu tort de sortir du nucléaire et que la France doit persister dans cette impasse énergétique. Cocorico! »

(1) ce fut le prix du MWh sur le marché spot le 9 février dernier. Pour la seule journée du 8 février les importations d’électricité en France ont coûté 38 millions d’euros.

(2) http://energie.sia-conseil.com/20110202-sia-conseil-plaide-pour-un-developpement-raisonne-des-enr-en-france/

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3 commentaires
  • En effet, cette « étude » publicitaire reprise par de nombreux média incapables d’exercer leur fonction de vérification ( où est l’éthique du journalisme ? ) est très différente de la réalité.

    Si l’on veut connaître la réalité des échanges d’électricité entre la France et l’Allemagne en 2010 et en 2011, il faut lire ceci :
    http://energeia.voila.net/electri/france_allemagne.htm

    On constate alors que, pour la période de neuf mois considérée, d’avril à décembre, la France a exporté vers l’Allemagne 8.160 MWh en 2010 et 8.755 MWh en 2011. Ce qui fait une différence de 7% seulement.

    Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que depuis dix ans, entre 2000 et 2010 (donc sans compter 2011), l’Allemagne a déjà réduit sa production d’électricité nucléaire sans pour autant augmenter le recours aux combustibles fossiles.

    Lire : http://energeia.voila.net/renouv/electri_renouv_fr_de.htm

     » En Allemagne, l’électricité nucléaire a diminué en dix ans de 169,6 à 140,6 TWh (-29 TWh et -17%) alors que la production totale d’électricité augmentait de 576 à 618 TWh (+42 TWh et +7%). L’électricité provenant des combustibles fossiles n’a pas augmenté, l’électricité d’origine renouvelable passant de 39,7 à 108,1 TWh (+68,4 TWh et +172%).

    Les énergies renouvelables permettent ainsi de réduire et supprimer le nucléaire sans augmenter le recours aux combustibles fossiles, ni les émissions de gaz à effet de serre, malgré une augmentation de la production totale d’électricité. « 

Par Michèle Rivasi

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