Journée mondiale des sols : l’agriculture hors-sol ne profite qu’aux multinationales de l’agrochimie

Suite à la ratification de l’Accord de Paris, les pays européens doivent désormais respecter leurs engagements climatiques. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, pas de solution unique : tous les secteurs de l’économie sont concernés par ce défi. Ainsi, avec la Journée Mondiale des Sols, il est important de rappeler le rôle de l’agriculture dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Miner le sol n’est pas durable

En effet, la matière organique enfouie dans la terre (racines, microorganismes, plantes compostées) permet de stocker deux fois plus de carbone que l’atmosphère. Le maintien de cette matière organique est donc une composante essentielle du défi climatique. Or, depuis les années 1950, nous sommes passés d’une logique agricole fondée sur l’enrichissement des sols à celle fondée sur l’appauvrissement. Certes, la révolution verte a dynamisé la productivité agricole, mais elle l’a fait dans une logique minière, en enlevant au sol toute sa richesse organique. En raison de l’agriculture conventionnelle, presque la moitié des sols européens sont pour ainsi dire biologiquement morts, présentant des niveaux très bas en matière organique (0 à 2%).

Pour compenser cette perte, les industries ont continué de tendre aux agriculteurs la béquille agrochimique : les plantes ne se nourrissent plus du sol, mais des fertilisants. Nous nous retrouvons ainsi captifs d’un cercle vicieux où les sols n’assurent plus leur fonction de stockage de carbone, et deviennent de plus en plus dépendants des produits chimiques qui les vident de leur substance.

Si la chimie met à mal la composition du sol, elle l’a également privé de sa structure. Cette déstructuration accélère l’érosion, qui elle-même entraîne les intrants dans l’eau. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des plages bretonnes envahies d’algues, des stocks de poisson en déclin et des pesticides dans l’eau potable.

La nécessaire évolution vers l’agroécologie

La situation n’est pas durable, tant au niveau climatique qu’au niveau sanitaire. Heureusement, l’agriculture qualifiée de « conventionnelle » n’est pas un modèle gravé dans la terre, et il existe d’autres solutions pour nourrir nos populations. Ainsi, depuis une vingtaine d’années, un ensemble de méthodes agricoles plus respectueuses de l’environnement prennent de l’ampleur. Rassemblées sous le nom d’agroécologie, ces méthodes consistent à copier les processus naturels à l’œuvre dans les écosystèmes pour aider le développement des cultures. En guise d’exemple, le simple fait d’introduire de la biodiversité en alternant deux cultures sur une parcelle augmente de 3,6% le stockage carbone, et de 20,7% la biomasse. Souvent plus productive que l’agriculture conventionnelle, l’agroécologie permet ainsi de minimiser le recours aux engrais et pesticides.

Pourquoi, dans ce cas, n’est-elle n’est pas encore perçue comme une alternative valable, au niveau local comme européen ? Tout d’abord, l’accès à la formation est insuffisant. Les techniques agroécologiques font rarement partie du curriculum de base des écoles d’agronomie ; seuls les passionnés s’y intéressent. Ensuite, l’agroécologie est peu compétitive face à l’agriculture conventionnelle, qui n’intègre pas les coûts des dommages environnementaux et sanitaires qu’elle inflige.

Par conséquent, il est nécessaire d’apporter à l’agroécologie le terreau législatif dont elle a besoin pour se déployer, avec des mesures telles que :
– le développement de la recherche et de la formation, en particulier chez les jeunes agriculteurs, plus prompts à tester de nouvelles méthodes de production ;
– la mise en place d’incitations financières pour encourager la production agroécologique ;
– l’interdiction pure et simple de certaines pratiques au niveau européen (l’épandage de produits phytosanitaires à l’approche des habitations, par exemple), pour rendre les règles du jeu plus équitables.

Enfin – et surtout -, il faut que les responsables politiques cessent d’être dupes des lobbies, qui se font passer pour les défenseurs des intérêts des agriculteurs, qui payent des experts pour réaliser des études allant commodément dans leur sens, et qui vont jusqu’à s’affubler de noms trompeurs comme « l’Institut International des Sciences Naturelles », « EuropaBio », « Agriculture et Environnement » (la liste est longue) pour mieux cacher leurs objectifs industriels.
L’avenir de nos démocraties dépendra de notre capacité à faire la part des choses, entre intérêts des multinationales et intérêts des citoyens !

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Par Michèle Rivasi

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