APPEL POUR UNE OPÉRATION MAINS PROPRES SUR LA SANTÉ

APPEL POUR UNE OPÉRATION MAINS PROPRES SUR LA SANTÉ

Pour en finir avec les conflits d’intérêts
Pour réaliser 10 milliards d’euros d’économies en révisant la politique du médicament
Notre République est victime d’une profonde crise démocratique et est sapée par la généralisation de la corruption qui met en péril notre État de droit. Ce phénomène se nourrit notamment de la banalisation des conflits d’intérêts, du lobbying institutionnel des multinationales et de la faiblesse des moyens de contrôle démocratique dans l’exécution des politiques publiques.

APPEL – Opération "Mains propres sur la santé"Mains Propres

signature en ligne : http://mains-propres-sur-la-sante.fr/

 

UN PRIX DU MÉDICAMENT PROHIBITIF EN FRANCE
Il y a quelques mois nous avons appris que le laboratoire américain Gilead surfacture le Sovaldi (son médicament innovant contre l’hépatite C chronique de l’adulte) 256 fois son prix de revient. Or, en y incluant la recherche, ce prix est à l’évidence au moins dix fois plus élevé que le coût réel total.
Les français sont les plus gros consommateurs de médicaments en Europe. Chaque année, les Français consacrent 2% du PNB à la consommation de médicaments. C’est entre 50% et 100% de plus que nos voisins les plus proches.
En luttant contre cette sur-consommation et cette surfacturation par une meilleure prescription, l’assurance-maladie pourrait réaliser au moins 10 milliards d’économies c’est à dire annuler son déficit chronique et ce sans dommage pour la santé publique, bien au contraire.

En Italie, on constate que le coût des médicaments en ville et à l’hôpital s’élève pour 2013 à 18 milliards d’euros contre 34 milliards pour la France, soit 70% de plus à populations égales pour les mêmes résultats sanitaires (avec une espérance de vie de 7 mois supérieure en Italie). Les prix hors taxes des génériques sont supérieurs en France de 30% en moyenne à ceux pratiqués en Italie.

De même, les génériques sont deux fois moins prescrits en France qu’en Angleterre, aux Pays-Bas ou en Allemagne car on préfère les « vrais-faux » nouveaux médicaments, beaucoup plus chers, sans plus-value thérapeutique, et à la pharmacovigilance méconnue car trop récente.

Le vrai risque aujourd’hui c’est une privatisation rampante du système de santé publique liée notamment à la dégradation du système hospitalier provoquant une inéquité de traitement et d’accès aux soins.

Comment en sommes nous arrivés là ?

Parce qu’en France, la transparence ne règne pas dans le monde de la santé publique. Les intérêts privés viennent heurter l’intérêt général ; parce nous ne sommes toujours pas sortis de la collusion entre l’État et les groupes pharmaceutiques.

D’ailleurs, les dernières affaires Cahuzac et le scandale du Médiator ont révélées ces situations de conflits d’intérêts au plus haut sommet de l’État.
Si nous en sommes arrivés là, c’est notamment à cause du poids des firmes pharmaceutiques dans la fixation des prix des médicaments. C’est l’État qui négocie avec les industriels le prix remboursable aux assurés sociaux de chaque médicament.

Selon le discours de communication des laboratoires, les prix élevés sont indispensables pour couvrir le coût de la recherche.
Mais la réalité est toute autre. Les laboratoires gonflent les chiffres en y incluant les dépenses de lobbying, de marketing, de communication et tout ce qui entretient le système de désinformation : les visites médicales, la formation médicale continue – financée à 98% par les labos – le sponsoring de la presse médicale, d’associations…

Au final, la recherche coûterait 20 fois moins que ce que prétendent les entreprises. Ils continuent néanmoins à nous présenter comme révolutionnaires des médicaments qui ne le sont pas car le progrès thérapeutique est en panne depuis de nombreuses années (à l’exception du ciblage tumoral).

Les laboratoires sont donc les premiers responsables de cette inflation du prix du médicament en France, mais aussi les autorités de régulation qui les adoubent, les médecins qui leur font une confiance aveugle, et surtout les politiques qui les choient, faisant de la surconsommation et la surfacturation de médicaments un soutien implicite à une filière industrielle. Le système entier est structurellement « pharma-amical ». Il est temps que ceux chargés de préserver l’intérêt général et la santé publique exercent leurs responsabilités.

VOYAGE AU COEUR DES CONFLITS D’INTÉRÊTS

Il faut remonter les « liaisons dangereuses », qui n’ont fait que se développer (politiques, hauts fonctionnaires et labos) depuis l’origine de la mise en place du «système» soit le milieu des années 80, quand il est devenu difficile de trouver de nouvelles molécules. Depuis Claude Evin, tous les ministres de la Santé ont eu des liens soit antérieurs, soit postérieurs à leur exercice de la fonction avec l’industrie pharmaceutique. Il y a aujourd’hui nécessité d’une opération « coup de poing » telle l’opération Mains Propres («Mani Pulite») menée en Italie sur la décennie 82/92 dont les procédures se sont terminées en 2012 et qui ont permis d’assainir la situation notamment au niveau des conflits d’intérêts puisque tous les experts et leaders d’opinion des institutions ont subi enquêtes et condamnations.

C’est un réseau extrêmement touffu et organisé qu’il faut démanteler, avec des intérêts énormes et qui concerne toute la vie politique et son financement.

RÉFORMER EN PROFONDEUR LA POLITIQUE DU MÉDICAMENT

Il faut pour cela une réforme totale de la filière du médicament, avec :
– Une lutte sans relâche contre les conflits d’intérêts. Pour cela, non seulement les élus et les experts qui représentent l’État face aux laboratoires, mais aussi tous les médecins, doivent rendre publics leurs liens avec l’industrie pharmaceutique. Il faut sanctionner plus durement les laboratoires qui ne déclarent pas leurs liens avec la formation des médecins avec l’instauration d’une pénalité à hauteur de 10% du chiffre d’affaire, qui nourrira la recherche publique et la formation des médecins.
– Une refondation d’une expertise publique de qualité en revoyant le système obsolète des scientifiques qualifiés bénévoles.
– La mise en oeuvre de la loi Blandin promulguée le 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte.
– Un arrêt des autorisations de mise sur le marché de complaisance, pour des médicaments sans plus-value thérapeutique et à prix prohibitifs.
– Une purge des médicaments mis sur le marché qui ne servent à rien : seuls ceux qui ont un réel intérêt thérapeutique doivent être remboursés.
– Une identification des médicaments présentant un fort intérêt public afin de permettre leur appropriation par l’État ; la logique sanitaire devant primer sur la logique commerciale ; il faut donc remplacer la notion d’« autorisation de mise sur le marché » par celle d’ « autorisation d’usage ».
– Une complète transparence des coûts de recherche et de développement, et notamment des financements publics qui interviennent dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments ensuite commercialisés par les firmes pharmaceutiques.
– Une complète transparence également de la politique des brevets afin d’éviter que les monopoles qui ne devraient pas être accordés soient donnés à des firmes qui se trouvent ensuite en position d’imposer ensuite leurs prix.
– Un « désarmement promotionnel » de l’industrie, par la restriction de son budget publicitaire et la réforme du système des visiteurs médicaux. Le déploiement des médicaments génériques passe en effet par l’évolution des visiteurs payés par l’industrie vers le métier d’ « informateurs pharmaceutiques indépendants ».
– Une baisse générale des prix des médicaments et leur fixation à partir des données européennes et non plus de façon opaque comme actuellement par le CEPS (Comité économique des produits de santé) qui doit être profondément réformé.Pourquoi n’arrive-t-on pas à ce prix européen qui éviterait les dérives du contingentement constatées en Europe ?
– Une optimisation de la prescription médicale dans toutes les classes thérapeutiques avec la généralisation des génériques et l’uniformisation européenne de leur prix.
– La mise en place des Class Actions comme aux États-Unis ou en Italie pour protéger la population.
– L’association des associations de patient, de victimes et de professionnels de santé à l’élaboration des standards d’évaluation des médicaments
– L’extension de l’obligation de pharmacovigilance à tous les professionnels de santé par des moyens simplifiés. Il convient de construire un mur parfaitement étanche entre les intérêts privés et la décision publique dans le domaine de la santé. Cette dernière doit être fondée uniquement sur l›intérêt général, la transparence et les principes qui fondent le service public pour les usagers : gratuité et égalité d’accès. Il est temps de renouer avec la disposition figurant au Préambule de notre Constitution : « La Nation garantit à tous (…) la protection de la santé ».

Notre santé n’est pas une marchandise !

Premiers signataires :

Serge Rader (pharmacien, lanceur d’alerte)
Michèle Rivasi (députée européenne)
Aline Archimbaud (sénatrice de Seine Saint-Denis)
Isabelle Attard (députée du Calvados et co-présidente de Nouvelle Donne)
Jean-Luc Bennahmias (président du Front démocrate)
Marie Blandin (sénatrice, ancienne présidente de la Région Nord Pas de Calais)
Jean-Sébastien Borde (médecin, président du Formindep)
Dominique Bourg (philosophe)
Dany Cohn-Bendit (ancien député européen)
Sergio Coronado (député)
Philippe Even (ancien doyen de la faculté de médecine de Paris et président de l’Institut Necker)
Philippe Foucras (médecin généraliste, fondateur du Formindep)
Irène Frachon (médecin, pneumologue au CHU de Brest, lanceuse d›alerte sur le scandale du Médiator)
Eva Joly (députée européenne, ancienne magistrate)
Pierre Larrouturou (fondateur du collectif Roosevelt et co-président de Nouvelle Donne)
Corinne Lepage (présidente de CAP21/Le Rassemblement Citoyen, ancienne ministre et eurodéputée)
Noël Mamère (député)
Michèle Poncet-Ramade (médecin-neurologue)
Dominique Queija (retraité, rescapée d’AZF)
Jean-Louis Roumégas (député de l’Hérault)
Michèle Rubirola (médecin)
Severine Tessier (présidente d’Anticor)
Bernard Topuz (médecin de santé publique)

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Par Michèle Rivasi

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