Adapter les politiques de recherche et de santé au défi des perturbateurs endocriniens

Le 10 avril dernier, une table-ronde organisée par Women in Europe for a Common Future (WECF) France réunissait scientifiques, représentants des pouvoirs publics et de la société civile autour du thème « Perturbateurs endocriniens (PE) : effets et mécanismes d’action de la conception à la maturité ». Si le constat scientifique des conséquences des PE sur la santé est sévère, les débats ont permis d’explorer des pistes pour faire évoluer les politiques de recherche et de santé publique.

Définir les PE et adopter de nouvelles méthodologies de recherche : une priorité

L’UE et ses Etats membres travaillent actuellement à la définition de critères permettant d’identifier les perturbateurs endocriniens (PE). Lors de cette étape décisive, Gwynne Lyons de l’ONG britannique CHEM Trust souligne le travail mené en France par l’ANSES sur le Bisphénol A (BPA), en particulier sur les critères identifiés par l’ANSES comme pertinents chez l’être humain. Au-delà de ces critères, il est également indispensable que de nouvelles méthodologies de tests soient développées, au niveau par exemple de l’EFSA ou de l’OCDE pour prendre en compte la complexité et la spécificité des PE.

« Puisqu’il faut des années pour valider les méthodes de tests OCDE, il est important d’assurer dans un avenir proche la prise en compte des études non OCDE dans l’évaluation des risques. En ce sens, l’ANSES a un rôle-clé à jouer : son évaluation du BPA se révèle exemplaire dans l’application d’un jugement collectif d’expertise en matière de fiabilité et de pertinence d’études indépendantes.» Gwynne Lyons, Directrice de CHEM Trust.

Agir sans attendre pour protéger la santé des populations des effets des PE

Comme l’ont souligné à la fois les représentants des pouvoirs publics et d’ONG, la problématique des PE est maintenant connue depuis assez longtemps pour mener sans attendre des actions. A ce titre, le Danemark, qui préside actuellement l’Union européenne, a interdit en 2010 deux parabènes dans les produits cosmétiques pour bébé. La France quant à elle s’est distinguée en interdisant le BPA dans les biberons quelques mois avant l’interdiction officielle de l’UE. Si ces mesures ciblent en priorité les produits destinés aux enfants et aux femmes enceintes, ce n’est pas un hasard : ce sont en effet les plus vulnérables face aux atteintes des PE, et ils devraient être encore mieux protégés comme l’a rappelé la députée européenne Michèle Rivasi. Pour une meilleure cohérence, une intégration de la problématique des PE dans l’ensemble des réglementations sectorielles est ainsi souhaitable.

« La stratégie de l’Union européenne concernant les perturbateurs endocriniens date de décembre 1999, mais on peut se demander où est l’action aujourd’hui? Le processus est lent et, à ce jour, seulement 46 substances ont été identifiées comme extrêmement préoccupantes et versées à la « liste candidate » de Reach. Une seule, l’octylphénol, est inscrite au titre de ses propriétés endocrines. La Commission européenne doit maintenant accélérer le mouvement et recourir à une approche largement reconnue pour identifier ces substances chimiques. Enfin, cette liste devrait être actualisée sur le modèle de la Liste SIN (Substitution Immédiate Nécessaire) proposée par les ONG (notamment ChemSec)« . Michèle Rivasi, Députée européenne

Outils de mise en œuvre des mesures de précaution et de prévention

Parmi les pistes à suivre, l’ONG suédoise ChemSec propose une liste de substances, la liste SIN (Substitution Immédiate Nécessaire), qui recense depuis mai dernier 22 PE à substituer d’urgence répondant à des critères établis par le règlement REACH. Un outil d’alerte que certaines entreprises et sociétés d’assurance se sont déjà approprié, afin d’agir sans tarder sur les PE identifiés comme les plus préoccupants.

« Il n’est pas nécessaire d’attendre le choix de critères d’identification des PE pour agir sur les PE les plus préoccupants. Les PE peuvent être identifies au cas par cas et la liste SIN propose une piste à suivre pour agir. » Anna Lennquist, ChemSec.

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Par Michèle Rivasi

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