Accès aux médicaments: le manque d’ambition du Conseil de l’UE

Alors que la Présidence du Conseil de l’UE officialisera ses recommandations pour les États membres et la Commission européenne en matière d’accès aux médicaments le 16 juin prochain, nous avons pu observer dans un avant-projet fuité que la position du Conseil sur la propriété intellectuelle et les procédures de mise sur le marché accélérée pose les bonnes questions mais ne va pas assez loin dans ses recommandations.

Réaction de Michèle Rivasi, eurodéputée écologiste, spécialiste des questions de santé :

« Il y a une sorte de prise de conscience de la part de la Présidence néerlandaise du Conseil de l’UE sur les dérives de la politique du médicament en Europe mais l’engagement ne va pas assez loin. Le document que j’ai pu consulter est assez critique sur les abus de certains laboratoires pharmaceutiques qui utilisent les procédures accélérées de mise sur le marché de certains médicaments pour écourter leurs essais et maximiser leurs profits. De même, dans ce texte, le Conseil appelle la Commission et les États membres à étudier les conséquences potentiellement néfastes d’un droit de la propriété intellectuelle trop protecteur qui pourrait empêcher l’accès aux médicaments par la pratique de prix exorbitants.
C’est un bon début de réflexion mais fort peu ambitieux. Les abus en matière de procédure accélérée de mise sur le marché et de propriété intellectuelle sont déjà bien connus. Depuis mars 2016, l’Agence européenne du médicament tente en plus de généraliser l’accélération des procédures au travers du programme PRIME. Ces procédures sont risquées et devraient rester une exception. La revue médicale Prescrire a par exemple évalué 22 médicaments autorisés dans des conditions exceptionnelles et donc par la procédure accélérée en Europe : « 27% de ces autorisations étaient inacceptables, pour 28% les données étaient insuffisantes, 9% n’apportaient pas de progrès, et seuls 18% paraissaient avoir une utilité minime et 18% apportaient un progrès notable à certains patients » affirme cette revue indépendante.
Concernant les brevets, le Conseil devrait avoir le courage d’être plus catégorique et de dénoncer plus clairement les dérives de laboratoires comme Gilead ou Bristol Myers Squibb qui vendent certains de leurs médicaments contre l’hépatite C à des prix exorbitants du fait de leur situation monopolistique permise par la détention de brevets. Le Conseil ne recommande pas une seule fois dans son document la possibilité de recourir à la licence obligatoire (compulsory licencing) pour lutter contre les prix exorbitants. Cette licence permet à un État membre d’autoriser des laboratoires pharmaceutiques concurrents à produire des génériques d’une version jugée trop chère d’un médicament. Cette décision permettrait de briser le monopole de laboratoires comme Gilead et BMS sur ces médicaments en faisant jouer la concurrence pour qu’enfin leur coût diminue drastiquement.
Avant d’annoncer publiquement ses recommandations le 16 juin, le Conseil a encore la possibilité d’améliorer sa copie. En ce qui concerne les écologistes, nous n’hésiterons pas à être offensifs dans le rapport d’initiative que prépare le Parlement européen sur l’accès aux médicaments et dont ma collègue Margrete Auken sera la rapportrice pour les Verts.
»
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Par Michèle Rivasi

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