Les plantes médicinales bientôt interdites dans l’UE ? Ma réponse à la vidéo / pétition du Collectif Médecine Naturelle

L’attention du public est une nouvelle fois attirée sur le statut des plantes médicinales en Europe. La directive européenne sur les remèdes traditionnels à base de plantes, adoptée en 2004 prévoit une période de transition dans l’enregistrement des produits déjà sur le marché. Cette période de transition va s’achever le 30 avril 2011. Cette échéance est source de nombreuses inquiétudes et interrogations de la part du grand public, des associations, mais aussi des professionnels de santé, producteurs ou distributeurs jusqu’ici peu informés de l’existence de ce texte et de ses conséquences.

Aujourd’hui par exemple, moins de 200 remèdes traditionnels ont été validés par l’Agence Européenne des Médicaments. Et la liste des plantes communautaires contient à ce jour 215 plantes parmi les 600 envisagées au départ par la Commission Européenne. C’est peu, et cela montre bien que des améliorations sont à apporter dans l’application de ce texte.

L’initiative de la pétition actuellement relayée sur l’internet francophone est légitime. Le souci de poser un cadre juridique européen ne doit pas justifier de tomber dans les excès de l’hyper-réglementation. La procédure d’enregistrement « facilitée » des remèdes traditionnels à base de plantes reste compliquée et onéreuse, ce qui pose et posera de sérieuses barrières à l’entrée pour les entreprises et petits producteurs traditionnels soucieux de se mettre en règle.

C’est pourquoi la mobilisation et la vigilance des citoyens dans le domaine de l’usage et la diffusion des savoirs relatifs aux plantes médicinales est juste. Comme il est juste de chercher à contrôler la mise sur le marché des produits à base de plantes à vertus curatives, afin d’éviter de trouver tout et n’importe quoi sur les étals.

Malheureusement, en l’état et à cause de ses raccourcis militants, la pétition proposée par le « collectif médecine naturelle » sera jugée irrecevable par les institutions européennes et caricaturale par les responsables politiques que nous sommes. Légitime au départ, la démarche devient alors très discutable en affirmant un certain nombre de maladresses et de contre-vérités qui nuise à sa crédibilité.

Exemple de maladresse : la directive de 2004 ne concerne pas les plantes médicinales mais le commerce de remèdes traditionnels à base de plantes. Ce sont deux choses différentes. Attention à ne pas les confondre. Sur le papier, cette directive veut donner un statut juridique aux remèdes à base de plantes, en introduisant une procédure d’enregistrement simplifié. Cette procédure d’enregistrement simplifiée est similaire à celle déjà appliquée en France. Il n’y a donc rien de véritablement nouveau là dedans, si ce n’est l’extension du cadre français à l’ensemble de l’Europe…

C’est pourquoi des organisations comme Nature et Progrès Belgique ou le syndicat Simples assimilent cette campagne à de la désinformation. Les arguments alarmistes mis en avant sont de plus très proches de ceux avancés en 2010 par les britanniques de l’Alliance for Natural Health (ANH)… Arguments sur lesquels l’ANH est revenu, reconnaissant son erreur dans cette video en ligne

Avec mes collègues députés européens d’Europe Ecologie, nous suivons de très près l’application de cette directive et ses éventuels dérives. Nous prévoyons d’organiser d’ici l’été 2011 une conférence de consensus afin de mettre autour de la table les différents acteurs européens – producteurs, entreprises, universitaires, juristes impliqués sur ce dossier.

Michèle Rivasi

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ci-joint, le communiqué de François de Gaultier, de Nature & Progrès Belgique

 

Plantes médicinales bientôt interdites dans l’UE : C’EST FAUX, ARCHI FAUX

La pétition qui circule actuellement a déjà circulé sur Internet dans une autre version il y a quelques mois. A l’époque nous avons été interpellé par des membres au sujet de celle-ci et, après prise d’information nous avons conclu le peu de sérieux de cette initiative. La pétition que vous m’avez envoyée est une relookage de l’ancienne et fait une série d’amalgames qui éloigne les citoyens de la vrai problématique.

Décryptage : Les plantes médicinales ne seront pas interdites en EU. L’information qui circule est en réalité de la désinformation dans le combat qui oppose l’industrie pharmaceutique avec l’industrie de la phytothérapie et des compléments alimentaires. Formulé par cette dernière, le message vise à créer de la pression sur les législateurs, avec appui de l’opinion public, pour un affaiblissement de la législation sur les plantes médicinales traditionnelles. Ce groupe d’industriels est en effet très mécontent de la législation européenne qui offre la possibilité d’enregistrer officiellement toute plante médicinale utilisée et reconnue depuis au moins 15 années dans l’Union comme plante autorisée à la commercialisation. Corollaire ce ceci, tous les produits « miracles » élaborés par les industriels de la phytothérapie (et compléments alimentaires) devront faire l’objet de procédures d’agrément, mettant de l’ordre dans les rayons « santé » de magasins d’alimentation. L’association ANH, mentionnée dans la vidéo qui accompagne la pétition n’est pas une association de producteurs ni d’herboristes. Il s’agit en réalité d’un bon vieux lobby de défense des industriels des compléments alimentaires (très juteux business qui fleurit en particulier dans les épiceries bio). Nous avons contacté cette organisation par téléphone pour savoir si parmi leurs membres il y avait des associations de producteurs, et ce n’est pas le cas. Le flou maintenu sur leur site, et dans le ton racoleur de la vidéo devrait mettre la puce à l’oreille de ceux qui reçoivent l’information…

Il faut aussi signaler que la législation en question permet l’enregistrement facilité de toute plante médicinale. En aucun cas ces plantes devront passer par les mêmes canaux d’autorisation que les médicaments !

Subsiste par contre un réel problème de la directive 2004/24/CE. Cette directive fait partie d’une politique partiale et réductrice qui favorise l’hégémonie des trois cultures actuellement dominantes au niveau mondial : occidentale (officielle), chinoise et indienne (ayurvédique). Tous les remèdes qui ne sont pas reconnu depuis minimum 30 ans (15 si provenant de l’Union européenne) devront passer par des procédures, certes allégées, mais longues d’agréments. Ce sont donc les défenseurs des médecines naturelles mineures et traditionnelles (créole, tibétain, nigérien, cévenol, etc) qui seront les plus touchés par la directive, à moins de prouver avec diligence un passé d’utilisation conséquent. Le problème c’est que dans ces sociétés à la connaissance encore fortement ancrée dans la tradition orale, il sera plus difficile de récolter des preuves…

L’ANH qui colporte actuellement l’information ne représente pas ces petits producteurs traditionnels. Pour en savoir plus, lire la déconstruction point-par-point faite par Thierry Thévenin (directeur du très respectable Syndicat Inter-Massifs pour la Production et l’Economie des Simples)

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Complément et précisions de Thierry Thévenin du 5 avril 2011

Entièrement solidaire de l’analyse de Michèle Rivasi, je veux simplement ajouter ici mon sentiment partagé de tristesse et d’espoir vis à vis de cette affaire des appels du Collectif Médecine naturelle .

Côté tristesse, c’est l’impression d’un certain gâchis et irrespect de la conscience publique; il aurait été sans doute plus profitable pour tous et pour les auteurs de ce texte et de cette vidéo de chercher à travailler en amont avec Michèle Rivasi, l’association Kokopelli, Eric Petiot (Stéphane Hessel en filigrane) et moi même à l’élaboration d’une pétition sincère, non manipulatrice que nous aurions pu appuyer de tout cœur, plutôt que de nous récupérer, pour ne pas dire instrumentaliser, comme cela a été le cas dans la première vidéo.

Le titre même de la pétition est faux et racoleur, il la discrédite, j’ai eu presque l’impression de lire un discours du même ton que celui des partis extrêmes qui surfent sur la peur et le désarroi générés par nos temps incertains. Pour ma part, je veux rester un fidèle et irréductible partisan de la clarté, l’honnêteté pour l’information et l’éducation populaires; c’est pourquoi je n’ai pas signé cette pétition.

Côté espoir, beaucoup de gens ont échangé, débattu autour de cette pétition. Parmi eux beaucoup en toute lucidité et sans avoir été abusé, l’ont signé en se disant qu’elle était l’occasion d’envoyer un message fort aux politiques, ce qui, malgré une actualité chargée est le cas, je peux en témoigner.

Cette affaire a montré très clairement la revendication forte des français (et des européens francophones) pour une liberté de choix et une demande d’alternative « naturelle » en matière de santé. Elle a également montré leur « ras-le-bol » et leur résistance vis à vis de l’avancée incessante d’une hyper-réglementation dont les véritables enjeux ne sont pas forcément ceux du bien public.

Elle donne un coup d’accélérateur et renforce la détermination et l’espoir pour tous celles et ceux qui travaillent depuis de nombreuses années, avec leurs moyens et leurs convictions, au rétablissement d’un cadre légal serein, sûr et éthique pour le métier d’herboriste.

Comme je l’ai déjà pu souvent le dire, je pense que les plantes médicinales ne sont pas un vulgaire produit commercial et ne doivent pas être traitées comme tel; elles sont un élément fondamental, précieux et profond du patrimoine culturel de l’humanité.

Elles méritent une approche respectueuse, sereine et lucide, si nous ne voulons pas gâcher les valeurs de liberté, d’autonomie, d’écologie, les promesses de santé, d’espoir qu’elles peuvent nous offrir; valeurs et promesses dont nous avons le plus grand besoin dans notre époque.

Je continuerai de m’impliquer aussi activement qu’il m’est possible, dans les groupes de travail existants ou à venir qui cherchent à exprimer ces valeurs.

(texte original à lire ici)

 

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Par Michèle Rivasi

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