Perturbateurs endocriniens : dans quel camp se situe la Commission européenne ?

Alors que vient de s’achever la consultation publique sur la stratégie nationale française sur les perturbateurs endocriniens, de nombreuses questions se posent sur l’avancement du travail effectué au niveau européen pour parvenir à une définition de ces substances susceptibles d’interférer à des doses infimes avec la régulation hormonale des êtres vivants.

Michèle Rivasi, députée européenne EELV spécialisée dans les questions de santé, rappelle que deux camps s’opposent dans cette délicate question, où le lobby de l’industrie chimique est très présent à Bruxelles : « Il y d’un côté ceux qui confondent science et politique, les experts qui ne déclarent pas leur liens d’intérêts (la presse s’en est chargée pour eux : sur les 18 auteurs d’une étude, 17 ont des conflits d’intérêts avec l’industrie chimique (1), ou encore ceux qui font publiquement référence à un document (document interne de la commission) alors qu’il n’est pas encore public, ce qui apporte beaucoup de confusion à un débat déjà délicat. De l’autre côté il y a ceux, plus nombreux, qui déclarent leurs intérêts et qui ne mélangent pas analyse du danger (rôle des scientifiques) et gestion du risque (rôle des politiques) » (2)

« La Commission européenne, chargée d’établir des critères de définition des perturbateurs endocriniens, doit se positionner et faire la part des choses entre ces deux camps. Il me semble important que l’institution européenne réponde à ceux qui la prenne à partie en citant notamment Anne Glover, conseillère scientifique principale auprès de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, dans une lettre ouverte du 18 juin 2013. Les experts qui se positionnent sur les perturbateurs endocriniens doivent, en tout état de cause, publier leur déclaration d’intérêts, afin qu’aucun doute ne subsiste sur leur indépendance totale vis à vis de l’industrie chimique », estime l’eurodéputée.

« Enfin, la Commission européenne a annoncé (3) qu’elle souhaitait qu’une étude d’impact économique (impact assessment) soit effectuée, avant de se prononcer sur les critères des perturbateurs endocriniens. Il s’agit de savoir qui réalisera cette étude, et pourquoi cette démarche peu scientifique (comment évaluer avant même d’avoir définit des critères?), qui risque de conduire in fine à l’adoption de critères qui ne sont pas horizontaux, comme le demandent les écologistes et les ONG environnementales. Cela risque surtout de retarder le processus de révision de la stratégie européenne, alors qu’il y a urgence : nous ne pouvons pas attendre indéfiniment alors que les preuves scientifiques s’accumulent sur le danger pour la santé de ces substances! »

(1) « Scientifically unfounded precaution drives European Commission’s recommendations on EDC regulation, while defying common sense, well-established science and risk assessment principles », by Dietrich and al in Alex, July 2013 (18 authors) http://www.altex.ch/resources/open_letter.pdf

(2 )Science and policy on endocrine disrupters must not be mixed: a reply to a “common sense” intervention by toxicology journal editors », by Bergman and al in EH Journal, 27 August 2013 (41 authors): http://www.ehjournal.net/content/12/1/69, « Policy Decisions on Endocrine Disruptors Should Be Based on Science Across Disciplines: A Response to Dietrich et al. », by Gore and al in the Endocrine Society Journal, 18 September 2013 (104 authors): http://endo.endojournals.org/content/early/2013/09/18/en.2013-1854.full.pdf

(3) voir réponse à la question écrite de l’eurodéputée Schaldemose

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Par Michèle Rivasi

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