Le nucléaire n’est pas une solution pour le climat !

Un cheval de Troie s’immisce dans la résolution sur la COP25

Le Parlement européen a adopté ce jeudi 28 novembre deux résolutions. Une première pour déclarer l’état d’urgence climatique et une seconde sur la COP25. C’est une bonne nouvelle, les eurodéputés demandent aux États et à la Commission européenne d’agir immédiatement afin de contenir la hausse des températures mondiales en dessous de 1,5°C.

Toutefois, un cheval de Troie français s’est incrusté dans le paragraphe sur l’énergie nucléaire de la résolution sur la COP 25. Initialement, le texte stipulait que l’énergie nucléaire n’est ni sûre ni durable sur le plan environnemental ou économique. Ce paragraphe a été effacé par un amendement exprimant que l’énergie nucléaire peut contribuer à atteindre les objectifs climatiques dès lors que celle-ci n’émet pas de gaz à effet de serre.

Cet amendement pro-nucléaire étant adopté, les eurodéputés d’Europe Écologie ont dû voté contre la résolution sur la COP 25 malgré d’autres belles avancées dans le texte. Mais c’est dans les textes sur le climat que la bataille actuelle contre le nucléaire se joue.

Déclaration de Michèle Rivasi, eurodéputée des Verts/ALE et co-fondatrice de la CRIIRAD :

 » Ce genre de paragraphe pro-nucléaire s’immiscant dans les textes climatiques est très dangereux. Le choix politique du nucléaire ne peut que reposer sur la tentative de sauvegarde d’une industrie en échec, mais elle ne peut être présentée comme une réponse aux enjeux climatiques. Les promoteurs de l’industrie nucléaire aiment beaucoup orchestrer le petit refrain d’une énergie dite « décarbonée » afin de rendre le nucléaire incontournable pour endiguer le réchauffement planétaire. Mais l’énergie nucléaire n’a pas les capacités d’être une solution pour le climat.

Si l’on considère l’ensemble de son cycle de vie, de l’extraction du minerai à la gestion des déchets radioactifs en passant par la construction, l’exploitation et le démantèlement des réacteurs, l’énergie nucléaire émet en moyenne 12 gCO2/kWh avec une fourchette comprise entre 3,7 et 110 gCO2/kWh[1]. Cette fourchette large s’explique notamment par les émissions indirectes, très variables d’une installation nucléaire à une autre, et suivant la région du monde concernée. Avec ce bilan carbone, il est plus pertinent de mettre en balance l’atome avec les renouvelables qui ont des émissions comparables, qu’avec les énergies fossiles.

En outre, le facteur nucléaire est aujourd’hui secondaire dans l’équation énergétique et climatique dans le monde. Les 453 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde ne pèsent que pour 10% de l’électricité mondiale et ne fournissent qu’un peu plus de 2 % de la consommation d’énergie finale. Pour que l’énergie nucléaire pèse de façon significative, il faudrait changer d’ordre de grandeur en déployant des milliers de nouveaux réacteurs sur le globe. Une perspective irréaliste, aussi bien sur le plan économique que géopolitique ou technique. Leur construction s’achèverait trop tard pour avoir un quelconque impact : les réductions des émissions de CO2 doivent avoir lieu dans les 10 prochaines années, pas après.

Se focaliser sur la France, avec ses 75% de nucléaire dans la production d’électricité, est trompeur. Dans le mix énergétique français, l’atome y participe seulement à 18 % et la priorité reste aujourd’hui de réduire la consommation d’énergie. Les efforts de décarbonation doivent surtout être menés dans les transports (responsables de 30 % des émissions françaises), le bâtiment (20%) et l’agriculture (20%). De plus, le nucléaire coûte de plus en plus cher à côté des énergies renouvelables toujours plus propres, sûres et compétitives. Alors que le démantèlement d’une centrale nucléaire est un casse-tête exorbitant, les composants des ENR sont eux facilement recyclables et représentent des débouchés prometteurs en matière d’emploi.

Enfin, les promoteurs de cette énergie soi-disant peu carbonnée oublient de mettre dans leur amendement que c’est une énergie dangereuse, non viable économiquement et sale. La production d’électricité d’origine nucléaire génère des quantités démesurées de déchets : chaque année, 23 000 m3 de déchets nucléaires sont produits, dont une partie sont hautement radioactifs et le resteront pendant plusieurs milliers d’années.

Le Parlement européen a décrété l’état d’urgence climatique et pousse les États membres à être ambitieux lors de la COP25. C’est une bonne nouvelle mais je continuerai à me battre pour qu’aucun euro ne soit dépensé dans les énergies fossiles, ni dans l’industrie défaillante du nucléaire qui cherche une bouée de secours dans les investissements climatiques. »


[1] Dans le rapport 2014 du GIEC, le chapitre 7 décrit pour chaque énergie les émissions de CO2 selon l’analyse de leur cycle de vie. La méthodologie du GIEC consiste à compiler des études scientifiques d’origines variées pour en réaliser une synthèse. Pour les énergies renouvelables, nous avons les valeurs médianes suivantes: le solaire photovoltaïque (46  grammes), l’hydroélectricité (24 grammes), et l’éolien terrestre ou offshore (16 grammes).

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Par Michèle Rivasi

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