Le captage et le stockage du carbone: une fausse promesse pour le climat

Le captage et le stockage du carbone: une fausse promesse pour le climat

Le Parlement européen se prononce actuellement sur le projet de la stratégie climat de la Commission européenne. Présenté en novembre de l’année dernière, juste avant la COP 24 à Katowice, le texte devrait servir de base à la politique climatique de l’UE dans les décennies à venir. Parmi les sept technologies qui permettront à l’Europe d’atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050, la Commission européenne y classe le captage du CO2 et son stockage souterrain (Carbon Capture and Storage, CCS). Mais  elle a clairement indiqué que le CCS devrait être considéré comme une solution de dernier recours, une fois toutes les autres options épuisées.Ce qui montre les doutes sur la technologie en elle-même.Au sein du Parlement européen, le captage du CO2 et son stockage souterrain sont largement discutés.

Les milieux industriels utilisent cette théorie pour se montrer sous un jour respectueux du climat. Cette idée de réduction est présentée comme la solution miracle et à portée de la main, pour glisser nos émissions sous le tapis et éviter le réchauffement climatique sans nous restreindre en énergie. Mais cette technologie comporte des risques incalculables et freine le tournant énergétique. Avec mes collègues du Groupe des Verts/ALE, nous déposons une série d’amendements qui visent à éliminer ou au moins à réduire fortement le rôle de ces technologies. 

Le captage et stockage du carbone (CCS) fait référence à une gamme de technologies pouvant capter le CO2 à la sortie des cheminées des centrales électriques ou d’installations industrielles, le comprimer, le transporter vers un site de stockage et le stocker sous terre. Il peut être utilisé sur des installations industrielles telles que l’acier, le ciment et les raffineries, mais aussi sur des centrales électriques utilisant des combustibles fossiles ou de la biomasse pour produire de l’électricité.  Je vais me concentrer ici sur les centrales électriques.

Ces technologies ont du mal a montré leur faisabilité et au niveau européen, nous restons avec une gueule de bois suivant la première vague de projets de capture du carbone entre 2009 et 2011 où la Commission s’est brûlée les doigts en versant des millions d’euros de financement dans des projets qui n’ont finalement jamais vu le jour.La Commission européenne avait notamment lancé en 2010 le programme NER 300 (New Entrants Reserve) pour financer 50 % du coût de projets CCS, grâce à la vente sur le marché du carbone de quotas d’émissions de CO2.

Aujourd’hui, les programmes de CCS restent confrontés à un problème de faisabilité technique doublé d’enjeux de rentabilité économique.Il faut tenir compte du coût des installations de compression de C02, mais aussi du transport et du stockage. Le CO2 séparé des autres gaz puis comprimé doit être transporté par camion, par train ou par pipeline vers les éventuels sites de stockage définitif ou provisoire. Si le CCS devait fonctionner, il serait plus coûteux que les énergies renouvelables. Les calculs ont montré que, en fonction du type de méthode CCS utilisée, jusqu’à 40% de la puissance des centrales seraient perdus. Pour les centrales électriques au charbon, les industriels doivent prévoir un surcoût de 40 % à 60 % du prix du mégawattheure.

Le CCS ne résoudra pas les problèmes des grandes quantités de CO2 émis pas les centrales au charbon. À l’heure actuelle, il n’existe pas dans le monde de centrales électriques à charbon de grande envergure. La plupart des projets de CCS ne capturent qu’un pourcentage de la production d’une centrale, ce qui signifie qu’il est impossible d’atteindre des centrales au charbon à zéro émission. De plus, le CCS ne traite pas de la pollution par les particules fines résultant de l’extraction du charbon et qui est connue pour causer le cancer et d’autres problèmes de santé chez les résidents à proximité.

Aujourd’hui, les systèmes de CCS en expérimentation dans l’Union ne sont pas encore parvenus à maîtriser les risques liés au stockage du CO2, qui est un gaz corrosif et toxique. Les plans pour la surveillance des installations de stockage et des environs sont encore inaboutis, voire inexistants. Il manque des conditions essentielles pour garantir la sécurité de la population et de l’environnement sur l’ensemble de la chaîne de processus de ces technologies. La possible remobilisation de métaux lourds en sous-sol (arsenic, plomb, zinc, cuivre, uranium…) pourrait présenter un risque pour la santé et l’environnement. 

Nous retrouvons les mêmes questions cruciales que pour le nucléaire: qui est responsable en cas de fuites des dépôts de CO2, en cas de maladies ou d’eau potable contaminée? Comment sera assuré le principe de pollueur-payeur? Qui va supporter la sécurité du stockage du CO2 etle risque d’un accident?

La seule technologie d’élimination du carbone qui a été testée et qui est fiable, c’est la nature! Les forêts et les puits carbones, le reboisement  et l’amélioration des zones humides restent les approches les plus viables et les plus efficaces pour l’élimination du dioxyde de carbone.

La science du climat nous dit que le temps presse si nous voulons éviter un changement climatique catastrophique. Les technologies à émissions négatives affaiblissent la volonté de s’attaquer immédiatement aux émissions, ce qui reste la priorité absolue. Dans la lutte contre le réchauffement climatique, on redoute ceux qui nient le changement climatique, mais il y a également ceux qui nient les solutions les plus évidentes. Pourquoi ne pas miser sur l’efficacité énergétique et les énergies à 100% renouvelables?L’efficacité énergétique et l’énergie renouvelable sont des technologies testées et commercialement viables qui sont déjà déployées à grande échelle. La voie vers une économie à zéro émission d’ici 2040 ne doit pas dépendre des technologies non prouvées de suppression des émissions. 

Il faut cesser d’investir des fonds publics des énergies fossiles et dans des technologies d’émissions négatives coûteuses et non viables. Chaque décision de construire de nouvelles centrales d’énergies fossiles aujourd’hui contribuera au changement climatique pour les deux prochaines générations. La fausse promesse du CCS détourne l’attention des solutions énergétiques durables et risque de verrouiller le monde dans un avenir énergétique qui ne sauvera pas le climat.

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Par Michèle Rivasi

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