« Il est inacceptable que des projets financés par l’UE soient liés au travail forcé en Érythrée »

Communiqué de presse, 9 janvier 2019

En 2018, l’Union européenne a financé à hauteur de 20 millions d’euros la première phase du projet de réhabilitation de la route principale érythréenne via son Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique. Ce projet, ayant pour but de reconnecter l’Éthiopie aux ports Érythréens, est géré par le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS). Selon l’accord de contribution de l’UE avec l’UNOPS, il est accepté que la compagnie d’État érythréenne chargée du projet fasse appel à une main-d’œuvre de service national, c’est-à-dire des conscrits au travail forcé. Au lieu de mettre fin à sa participation au travail forcé d’érythréens, la Commission européenne renouvelle son financement en débloquant récemment la deuxième tranche de 60 millions d’euros pour ce projet de route

Pour rappel, le gouvernement érythréen continue de soumettre la majeure partie de sa population à un service national illimité, qu’il soit civil ou militaire, notamment en travaillant pour des entreprises de construction du gouvernement. Ce même gouvernement érythréen continue à enrôler de force des enfants de Terminale dans une discipline militaire, tout en soumettant parfois les élèves et professeurs à du travail forcé et à des sévices physiques.

Réaction de Michèle Rivasi, coordinatrice pour le groupe des Verts sur les questions de coopération au développement :

« Alertée par la société civile, j’ai posé une question écrite parlementaire à la Commission européenne au mois de novembre 2019 pour exiger des explications sur l’utilisation du travail forcé dans un projet financé par l’Union européenne, cette question parlementaire reste toujours sans réponse officielle[1]. De plus, le 28 novembre dernier lors de l’audition de la commission parlementaire « Contrôle Budgétaire », j’ai reposé ma question directement au Commissaire européen au Développement Mr Mimica –  encore une fois je n’ai pas eu de réponses[2].

Finalement obligée de répondre à mes questions orales, la Commission européenne me répond par e-mail qu’elle n’observe aucun problème. Selon elle, l’Union européenne ne peut pas être tenue responsable de cautionner des violations des droits humains car elle ne gère pas directement ce projet. Elle a confié sa mise en œuvre à l’agence onusienne UNOPS et le financement européen est limité à l’achat de matériel de construction et d’équipements nécessaires à la réhabilitation des routes. À la fin de sa réponse, elle termine en rassurant que le bureau de l’ONU s’est engagé à surveiller la mise en œuvre plus large des travaux, afin de s’assurer que les normes et garanties de base soient respectées, y compris sur les conditions de travail.

Ce chèque en blanc est inacceptable ! Tout en confirmant le financement, la Commission européenne avoue qu’elle ne vérifiera rien elle-même car elle délègue cela à une agence onusienne. Le rôle de l’UE est de garantir le respect strict des droits humains dans tous les accords de contribution qu’elle signe avec les organisations et agences internationales, telle que les agences onusiennes ou encore celles de l’Union Africaine.  C’est un minimum à faire en amont de chaque validation de projets.

De plus, la Commission européenne a été alertée par la société civile et les parlementaires que ce projet utilisait du travail forcé de la population érythréenne. Elle aurait dû immédiatement annuler, ou du moins suspendre, son soutien financier.  Est-ce que la Commission européenne l’a fait ? Non, elle a même débloqué la deuxième tranche de 60 millions d’euros pour ce projet de route[3].  Pire encore ! On découvre que le bureau onusien UNOPS vient d’avouer au journal New York Times[4], qu’il ne contrôle pas le projet et qu’il se fie à l’information que l’UNOPS reçoit de la part du gouvernement Erythréen.

Nous sommes dans un nouveau scandale d’utilisation de fonds européens : d’un côté, nous avons la Commission européenne qui continue à financer ce projet d’autoroute en mettant toute responsabilité sur l’agence UNOPS et de l’autre, cette agence onusienne déclare qu’elle ne monitore rien elle-même et qu’elle dépend totalement des informations venant du gouvernement érythréen.

Enfin, il faut préciser que le financement européen passe via le Fond Fiduciaire d’urgence pour l’Afrique qui échappe à tout contrôle parlementaire quant à la sélection des projets et des programmes en amont. Le seul moyen de pression que nous avons, nous les députés européens c’est de ne pas voter la décharge annuelle de 2018 de Fond européen du développement (FED) dont je suis rapporteure. J’appellerai à bloquer la décharge, tant que nous n’obtiendrons pas le retrait des financements européens à l’Érythrée ou les garanties tangibles de la part de gouvernement érythréen et de la Commission européenne que le travail forcé et d’autres violations des droits fondamentaux ne soient pas financés directement ou indirectement par l’argent du contribuable européen. »


[1] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2019-003582_FR.html

[2] https://www.michele-rivasi.eu/videos/erythree-lunion-europeenne-ne-doit-pas-participer-a-lutilisation-de-travail-force

[3] https://ec.europa.eu/trustfundforafrica/all-news-and-stories/emergency-trust-fund-africa-eu2049-million-support-stability-job-creation-and_en

[4] https://www.nytimes.com/2020/01/08/world/europe/conscription-eritrea-eu.html

Articles similaires :

1 commentaire
  • Bonjour,
    Merci de continuer votre engagement. J’ai eu l’occasion de rencontrer et de suivre de jeunes érythréens à Calais et à Paris. L’UE ne peut pas faire l’autruche sur la violence de cette dictature. Avec tous mes encouragements. Valérie Le Nigen

Par Michèle Rivasi

Suivez-moi sur Facebook

Suivez-moi sur Twitter