Sur Novethic: quelles normes européennes pour la contamination radioactive des aliments ?

Des normes européennes de contamination radioactive des aliments insuffisantes en cas d’accident nucléaire ?

A l’occasion du toilettage d’un règlement fixant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive des aliments en cas d’accidents nucléaire, les députés européens Verts/ALE ont, pour le moment, réussi à écarter Euratom du processus. Mais ils dénoncent encore des normes insuffisantes pour assurer la protection de la population.

A l’issue du vote en commission industrie, recherche et énergie (ITRE) du Parlement européen, Michèle Rivasi ne cache pas sa satisfaction. La biologiste spécialiste de la radioprotection, fondatrice de la Criirad (1) et députée européenne Vert/ALE vient d’obtenir une demi-victoire. Alors que le Parlement devait juste entériner un document technique du Conseil sur les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour le bétail après un accident ou une situation d’urgence nucléaire, elle a amené les Verts et les autres partis à évincer les experts d’Euratom – l’organisme européen chargé de coordonner les recherches sur l’énergie atomique- de l’évaluation des niveaux de contamination des aliments en cas d’accident, au profit d’experts de la santé publique et des consommateurs. « Le Parlement européen a repris la main en demandant à être associé à la définition de ces normes. C’est le fruit du travail de sensibilisation des députés de tous bords que nous avons mené depuis des mois pour leur montrer qu’il s’agissait de protéger la santé des populations. La Commission ne s’attendait certainement pas à ça », sourit Michèle Rivasi. Avant d’ajouter que le plus dur reste à faire. Car d’une part, le texte doit passer en plénière en mars – ce qui laisse le temps aux pro-nucléaire d’exercer eux aussi leur lobbying- et, surtout, les normes maximales fixées par le texte restent « inadmissibles, supérieures à celles prises au moment de Tchernobyl. Autant dire qu’elles ne protègent pas la santé des populations européennes », dénonce-t-elle pour expliquer qu’au final, malgré les avancées obtenues, les Verts ont voté contre le texte.

Les effets sanitaires de la contamination radioactive des aliments

Les végétaux peuvent être contaminés de plusieurs manières : que ce soit par des gaz et aérosols radioactifs rejetés dans l’atmosphère, des fuites, des accidents (centrales nucléaires mais aussi centres de recherche, installations hospitalières, etc.), le recyclage de matériaux contaminés ou autres. Dans le cas d’un accident nucléaire par exemple, les végétaux absorbent des particules radioactives par leurs racines ou leurs feuilles. Et si l’iode est éliminé au bout de quelques jours, le césium lui ne diminue que de moitié tous les 30 ans. Il faut particulièrement faire attention aux légumes dont on mange les feuilles, comme les salades et autres choux, les herbes, les champignons ou les fruits rouges par exemple. Mais aussi le lait, contaminé par ingestion d’aliments radioactifs par le bétail, particulièrement celui des chèvres. Les doses radioactives sont bien plus faibles et les effets plus lents que dans le cas d’une irradiation directe mais il existe bel et bien des effets sur la santé. Chaque élément radioactif va en effet se concentrer sur des organes particuliers ; la thyroïde fixe l’iode, pouvant provoquer des cancers tandis que le césium va plutôt aller dans les muscles, et le strontium dans les os. Cela peut aussi provoquer des pertes d’immunité, des problèmes neurologiques ou des maladies génétiques pour les descendants.

Si l’on se réfère aux normes actuelles – de l’ordre de 1000 bécquerels/kilo pour le césium par exemple (voir document lié)-, « en consommant certains aliments pendant des mois, on peut aller jusqu’à 5 milli-siverts! Un enfant d’un an dépasserait en quelques mois, 1 msv/an, soit la valeur limite à partir de laquelle le nombre de cancers augmente de façon inacceptable. Et dès 20 becquerels par kilo par exemple, les études montrent que les enfants présentent de sérieux problèmes cardiovasculaires et endocriniens », explique la députée qui demande également à ce que l’on prenne justement l’enfant comme base de référence pour fixer ces normes. Mais pour Philippe Renaud, chef du laboratoire d’études radio-écologique en milieux continental et marin à la direction de l’environnement et de l’intervention de l’IRSN (2), il faut « relativiser » sachant qu’a priori un personne ne mangera pas seulement des produits contaminés. « On peut ne pas être d’accord avec le risque pris – de l’ordre de 5 cancers sur 100 000, ndlr – mais il faut comprendre que le seuil de 1 msv est défini pour une situation normale, or un accident nucléaire, par définition ne l’est pas », estime-t-il.

L’ombre de Tchernobyl

Jusqu’à aujourd’hui, peu d’accidents ou incidents ont entraîné une contamination massive des aliments : les incendies de cet été en Russie, dont on craignait justement les conséquences sur l’alimentation (notamment par la remise en suspension des matières radioactives des zones touchées par Tchernobyl) n’ont finalement pas eu d’impact au-delà des forêts. Mais des incidents peuvent avoir des conséquences locales, comme la fuite d’iode radioactif en 2008 sur un site de l’Autorité belge de sûreté nucléaire, qui a eu des répercutions à l’échelle d’une commune, rappelle l’IRSN, ou celui de Tricastin la même année, où une rivière avait été contaminée à l’uranium suite à une fuite sur le site nucléaire (entraînant notamment une interdiction temporaire de consommer l’eau, les poisson et d’irriguer les cultures), voire des incendies précédents en Russie, notamment en 2002. Surtout, le souvenir et la peur d’un autre Tchernobyl reste dans toutes les têtes.

Pour Michèle Rivasi, qui connaît bien les conséquences de l’accident de Tchernobyl pour avoir effectué de nombreux voyages dans la région, les séquelles de la contamination des aliments sont en effet toujours présentes. « 80 % des enfants de la zone 3- la plus sensible- autour de Tchernobyl sont malades et souffrent de troubles de la concentration. Les enfants mangent un « repas propre » (aliments non contaminés, exportés, comme des bananes) le midi mais, même si théoriquement, les gens n’ont pas le droit de cultiver sur les terres de cette zone, ils le font pour ne pas mourir de faim », relate-t-elle.

« 25 ans après l’accident, il faut savoir que, dans des territoires pourtant très éloignés de Tchernobyl mais qui ont été fortement touchés par le nuage, il y a encore des animaux qu’il est interdit de consommer et de commercialiser car ils sont trop contaminés. C’est le cas du mouton d’Ecosse, du rennes de Laponie ou encore du sanglier de Bavière », rapporte Roland Desbordes, le président de la Criirad pour qui il peut aussi exister quelques problèmes avec les champignons des pays de l’Est. Pour la France, le physicien se veut pourtant rassurant : « nous avons fait des tests à la demande des chasseurs d’Alsace par exemple, qui s’inquiétaient de la contamination éventuelle des sangliers, mais nous n’avons rien trouvé ». Quant aux aliments importés, tels que des champignons, qui déjoueraient les contrôles de la DGCCRF, –insuffisants selon la Criirad-, ils ne constituent pas la base de notre alimentation, et ne sont donc pas à ce titre « un sujet de santé publique à proprement parler mais il reste qu’il n’est pas normal » qu’ils puissent circuler dans l’Union, estime Roland Desbordes. De son côté, Michèle Rivasi demande des contrôles de radioactivité aux frontières, pour justement éviter que le texte qui impose des niveaux applicables à l’ensemble de l’Europe, ne permette une banalisation de la contamination en facilitant la circulation et les échanges commerciaux d’aliments radioactifs suite à un accident.

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Les végétaux peuvent être contaminés de plusieurs manières : que ce soit par des gaz et aérosols radioactifs rejetés dans l’atmosphère, des fuites, des accidents (centrales nucléaires mais aussi centres de recherche, installations hospitalières, etc.), le recyclage de matériaux contaminés ou autres. Dans le cas d’un accident nucléaire par exemple, les végétaux absorbent des particules radioactives par leurs racines ou leurs feuilles. Et si l’iode est éliminé au bout de quelques jours, le césium lui ne diminue que de moitié tous les 30 ans. Il faut particulièrement faire attention aux légumes dont on mange les feuilles, comme les salades et autres choux, les herbes, les champignons ou les fruits rouges par exemple. Mais aussi le lait, contaminé par ingestion d’aliments radioactifs par le bétail, particulièrement celui des chèvres. Les doses radioactives sont bien plus faibles et les effets plus lents que dans le cas d’une irradiation directe mais il existe bel et bien des effets sur la santé. Chaque élément radioactif va en effet se concentrer sur des organes particuliers ; la thyroïde fixe l’iode, pouvant provoquer des cancers tandis que le césium va plutôt aller dans les muscles, et le strontium dans les os. Cela peut aussi provoquer des pertes d’immunité, des problèmes neurologiques ou des maladies génétiques pour les descendants.

(1) Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité
(2) Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire

Article initialement paru sur Novethic.

Béatrice Héraud
Mis en ligne le : 18/01/2011
© 2009 Novethic – Tous droits réservés
Crédits photo: iStockPhoto

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