5G : La réglementation mondiale sur les ondes noyautée par l’industrie des télécoms

Les nouvelles recommandations d’exposition aux ondes électromagnétiques (1), définies en mars dernier par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), ont été fortement influencées par les grandes entreprises de télécommunications et par l’armée américaine. C’est l’une des conclusions du rapport (2) sur la crédibilité et les conflits d’intérêts de l’ICNIRP, commandé par les députés européens Michèle Rivasi et Klaus Büchner.

Pour Michèle Rivasi (EELV/Les Verts) : « Depuis près de trois décennies, l’ICNIRP (3) joue un rôle de premier plan dans la fixation des limites d’expositions du public aux ondes électromagnétiques, fournissant des conseils largement suivis par les gouvernements du monde entier. A la lumière de ce rapport, il apparaît que les experts de l’ICNIRP sont en lien étroit et déséquilibré avec l’industrie des télécoms (4). La question de l’indépendance de la science est une nouvelle fois soulevée. En attendant, ce sont les populations soumises aux rayonnements électromagnétiques, classés cancérigènes possibles par l’OMS depuis 2011, qui passent au second plan.

En France nous sommes au seuil de la mise aux enchères des fréquences 5G et il faut constater que personne ne travaille à évaluer l’impact social, économique, environnemental et sanitaire de cette technologie. Il existe pourtant de nombreuses publications scientifiques, largement ignorées, qui mettent en évidence les effets néfastes des champs électromagnétiques sur la santé.

J’ai vraiment un sentiment de déjà-vu avec ce dossier. Il me rappelle comment l’industrie du tabac a manipulé le débat scientifique pendant des décennies, comment les entreprises de l’énergie font dérailler les politiques climatiques et comment celles de l’agrochimie falsifient les effets de leurs pesticides sur la biodiversité et la santé publique. Dans le cas de l’ICNIRP, c’est plus du cheval de Troie que du lobbying (5), nous parlons de capture réglementaire, avec des recommandations écrites main dans la main avec des représentants de l’industrie télécoms.

Les autorités européennes doivent rompre avec cette commission bidon et créer un nouveau conseil consultatif européen, public, totalement indépendant sur les rayonnements non ionisants (6).

La France doit, elle, suspendre immédiatement tous les travaux de préparation au déploiement de la 5G et demander une étude scientifique totalement indépendante des intérêts industriels. Le mandat de l’ANSES sur ce point est simplement d’évaluer la littérature scientifique existante. C’est insuffisant. »

Rapport téléchargeable, en français et en anglais sur le site de Michèle Rivasi. Un Résumé du Rapport et un Briefing Presse sont également disponibles.

Notes à l’éditeur :

1) https://www.icnirp.org/en/publications/article/rf-guidelines-2020480.html : Les lignes directrices de l’ICNIRP pour la limitation de l’exposition aux champs électromagnétiques visent à protéger les personnes exposées à des champs électromagnétiques de radiofréquence (RF) dans la gamme de 100 kHz à 300 GHz. Les lignes directrices couvrent de nombreuses applications telles que les technologies 5G, le WiFi, le Bluetooth, les téléphones mobiles et les stations de base.

Cette publication remplace la partie 100 kHz à 300 GHz des lignes directrices sur les radiofréquences de l’ICNIRP (1998), ainsi que la partie 100 kHz à 10 MHz des lignes directrices sur les basses fréquences de l’ICNIRP (2010).

2) Le rapport est intitulé « La Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants :  Conflits d’intérêts, Capture réglementaire et 5G ».
Ce rapport préparé par deux députés européens – Michèle Rivasi (Europe Écologie Les Verts) et Klaus Buchner (Ökologisch-Demokratische Partei) examine le fonctionnement de l’ICNIRP et passe en revue l’activité des 45 membres de la Commission et des Groupes d’experts scientifiques (SEG) de l’ICNIRP, afin de vérifier les éventuelles situations de conflits d’intérêt de ses membres.

3) La Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) est une organisation privée de droit allemand, résidant à l’Office fédéral allemand de protection contre les rayonnements et fournissant depuis sa création en 1992 des avis et des conseils scientifiques sur les effets sanitaires et environnementaux des rayonnements non ionisants. L’OMS, la Commission européenne et la plupart des pays utilisent les lignes directrices de l’ICNIRP pour les limites d’exposition aux champs électromagnétiques, publiées en 1998.

4) La vérification des biographies professionnelles des 45 membres de l’ICNIRP menée au sein du rapport “La Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants : Conflits d’intérêts, Capture réglementaire et 5G” observe que près des 3/4 d’entre eux sont en situation de conflits d’intérêts avec l’industrie. Le rapport constate aussi l’adhésion et/ou l’étroite coopération d’une dizaine de membres de l’ICNIRP – 4 parmi les 14 de la Commission de l’ICNIRP, et 6 parmi les 28 membres du groupe d’expert SEG – avec l’ICES, le Comité international sur la sécurité électromagnétique de l’Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (IEEE). L’IEEE est une organisation de droit américain qui rassemble 325 000 membres, dont 1/3 réside hors des Etats-Unis. L’ICES, dont la création formelle au sien de l’IEEE remonte à 2001, comptait en 2018, 150 membres de 29 pays.

5) Bien que le secteur des télécommunications dispose d’un grand pouvoir de lobbying dans l’Union européenne (tant à Bruxelles que dans les États membres), l’Association européenne des opérateurs de réseaux de télécommunications (ETNO) ne fait pas pression pour abaisser les normes de l’ICNIRP, car celles-ci ne sont pas considérées comme faisant partie de la « pression réglementaire » qui entrave le développement technologique. Au contraire : les normes proposées par l’ICNIRP sont les « limites harmonisées » dont l’ETNO se félicite. Dans l’ensemble, le secteur des télécommunications semble assez satisfait du positionnement de l’ICNIRP. Dans chaque rapport annuel d’une grande entreprise de télécommunications, vous trouverez une référence à l’ICNIRP lorsqu’il s’agit de discuter de la sécurité de leurs téléphones mobiles.

6) La Commission européenne et les gouvernements nationaux de pays comme l’Allemagne devraient cesser de financer l’ICNIRP. Les fonds actuellement utilisés pour l’ICNIRP pourraient être utilisés pour mettre en place cette nouvelle organisation. Et étant donné l’augmentation globale du financement de la R&D via Horizon Europe, avec un budget prévu de 75 à 100 milliards d’euros,le financement de la recherche ne devrait en aucun cas constituer un obstacle insurmontable à la création d’un nouvel organisme véritablement indépendant.

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Par Michèle Rivasi

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